Photos de "classes"

Les photographies prises dans les salles de classe ou devant l'école permettent bien sûr de mesurer le temps qui passe. Mais les photographies des groupes de jeunes hommes qui, à vingt ans accomplis, formaient la  classe  d'âge militaire et posaient tous ensemble avant ou après le  Conseil de Révision  nous parlent d'un tout autre monde, entièrement aboli, presqu'incompréhensible aujourd'hui.

J'avais publié dans mon livre en 2010 deux belles photos, assez dissemblables : les classes 1904 et 1931. En ayant pu acquérir sur Internet une photo (assez vilaine au demeurant) de la classe 1921, j'ai trouvé de quoi présenter ici une sorte d'étape intermédiaire qui permet de voir comment cet étrange cérémonial a pu changer de signification au fil du temps.

C'est aussi l'occasion de citer quelques destins, puisqu'on peut consulter ensuite les fiches matricules des conscrits, qui donnent d'intéressantes données sur leurs carrières militaires mais aussi avant et après la période, souvent bien longue, passée sous les drapeaux, ou sur les niveaux d'instructions, le physique, la taille, tous ces petits détails qui permettent de mieux imaginer la population de notre bourg autrefois.

En les publiant ici je lance un appel à mes lecteurs : certains ont peut-être dans un tiroir la photographie d'un père ou d'un grand-père à vingt ans, faisant bonne figure malgré l'angoisse...

Ma première photographie est celle de la  classe 1904  autrement dit des habitants de Sérifontaine nés durant l'année 1884 et qui se sont rendus à Beauvais dans les premiers jours de janvier 1905 .

Avant la Grande Guerre, cette journée s'inscrivait encore dans un réel rite républicain et masculin tout à la fois. La Mairie offrait le drapeau. La fanfare participait à l'éclat de la réception au retour de Beauvais. Les cafetiers payaient la tournée. D'un point de vue légal, la loi qui s'appliquait au moment du Conseil de Révision était encore la Loi Freycinet de 1889. Elle disposait que le service militaire passait de 5 à 3 ans, mais toujours avec un tirage au sort pourtant largement dénoncé pour son amoralité. Autre rupture, cette loi dite « loi des curés sac au dos » disposait que, désormais, le clergé devait servir sous les drapeaux. En mars 1905, la loi Berteaux supprima le tirage au sort, les remplacements et les exemptions, ce qui allait peser sur un certain nombre de décisions individuelles prises en janvier. Désormais tous les hommes pouvaient être appelés pour une durée réduite à deux ans, pour un service personnel, égal et obligatoire. Ils s'efforcent sur la photographie de faire les braves pour la pose, mais nous ne pouvons nous empêcher de songer morituri…. Ils vont en effet être remobilisés six ans après avoir été libérés. Deux d'entre eux mourront durant la Grande Guerre.

La photo, autour du Maire, Jean Boyer, dont l'un des fils fait partie de la classe , a probablement été prise après, puisque ceux qui ont été « bons pour la classe », ou comme on disait aussi  bons pour les filles (le type d'expression qui vaudrait aujourd'hui de grands cris !) posent couverts de leurs bons, de breloques patriotiques et de cocardes. Or on compte ici une bonne quinzaine de conscrits alors qu'il n'y en aurait pas eu tant de bons en janvier d'après les registres conservés à Beauvais :

  • Albert Letel, né le 17 mai à Sérifontaine et sur lequel il est intéressant de s'arrêter, non parce que c'est le premier de la liste mais parce que ce  garçon épicier  fils du buraliste en face de l'église, déjà cité dans un article sur la fanfare, est bien connu des collectionneurs de cartes postales : il accompagnait volontiers les photographes qui venaient prendre les clichés. D'après sa fiche matricule (lien sur son nom) il mesure 1m69, poils et yeux bruns, visage ovale, menton à fossette. Il fait son service dans l'infanterie, et en pratique... dans la musique, puis il est libéré de ses obligations et versé dans la réserve en 1908. Comme ceux de sa  classe  il n'en a pas fini pour autant. Rappelé à la mobilisation, c'est cependant comme détaché dans diverses usines métallurgiques, notamment à Paris, qu'il sert son pays.
  • Jacques Paul Boyer, né le 7 août à Maison-Laffite, cultivateur ; il fera la grande guerre à l'armée d'Orient, soigné en Egypte pour des diarrhées graves, il rentre en France pour être gazé à l'ypérite. Il finira sa vie bien plus tard, toujours à l'hôpital.
  • Désiré Albert Bulard, né le 29 novembre à Sérifontaine, ajusteur de 1m72 ce qui en fait un bel homme malgré son front et son nez que le médecin juge ordinaires et sa bouche moyenne. Il porte au bras droit un tatouage représentant fort classiquement un coeur traversé par une flèche. S'il y a un prénom sur le coeur, l'armée a eu le bon goût de ne pas l'enregistrer.
  • Désiré Fauconnier, né le 12 juillet à Sérifontaine, garçon laitier, 1m70. Du fait de « déformation des pieds et tremblement aux mains » il est affecté à un « service auxiliaire » ce qui ne l'empêchera pas d'être mobilisé, et de mourir en juillet 1916 devant Remenauville, l'un des villages détruits de Lorraine.
  • Gaston Amédée Charrière, né le 16 novembre à Paris 17ème facteur de piano, un grand blond de 1m73 ; blessé en 1914, il vit en région parisienne après la guerre.
  • Anatole Germain Pigeard, né le 17 octobre à Sérifontaine, ouvrier d’usine, blond aux yeux bleus de 1m66 il est lui aussi affecté en service auxiliaire pour raison médicale et c'est dans les services auxiliaires qu'il fera la guerre ensuite.
  • Jules Auguste Henry, né le 4 mars à Sérifontaine, domestique agricole, blond aux yeux bleus de 1m67 ; il décède à l'hôpital de Fontainebleau en septembre 1918, de maladie, ce qui n'empêchera pas de l'inscrire sur le monument aux morts.

Est-ce que la photographie a été prise à l'issue de toutes les opérations, en mai, ou ceux qui ont été ajournés ou dispensés en janvier ont-ils pu poser ? Cela paraitrait étrange, mais il y avait peut-être des colifichets pour les ajournés de janvier :

  • René Clovis Jobin, né le 7 juillet à Sérifontaine, garçon coiffeur, ajourné pour faiblesse en 1905, mais déclaré bon pour le service en 1906, réformé en 1914 mais de nouveau considéré comme bon pour le front en 1915, il sert sous les drapeaux mais doit être hospitalisé pour tachycardie et libéré avant la fin de la guerre.
  • Paul Jules Thérenty, né le 12 décembre à Sérifontaine, ouvrier d’usine châtain aux yeux bleus-gris de 1m63, ajourné pour faiblesse en 1905 et 1906, déclaré  bon pour le service  finalement en octobre 1907 mais dans les services auxiliaires du fait de sa myopie, puis renvoyé chez lui en décembre. Il est rappelé en 1914, fait quelques semaines sous les drapeaux comme  ouvrier militaire , et après un court passage aux zouaves finit détaché à l'usine ... de Sérifontaine.
  • Joseph Achille Dubois, né le 19 novembre à Gournay, garçon boucher aux cheveux et yeux châtains de 1m70, d'abord dispensé car « aîné de veuve » il est incorporé en octobre 1905 et remis en disponibilité un an plus tard ; il est ensuite réformé pour des raisons médicales durant toute la guerre et n'est finalement versé au service armé qu'en août 1918, ce qui ne l'empêche pas de finir la guerre avec une citation pour avoir  assuré le ravitaillement en première ligne dans des conditions difficiles .
  • Julien Paul Eugène Carbonnier, né le 28 août à Sérifontaine, journalier châtain aux yeux gris de 1m67, d'abord dispensé car il a un « frère au service » lui aussi ne servira que d'octobre 1905 à novembre 1906. Durant la Grande Guerre il est blessé en août 1914, hospitalisé à Paris au Grand Palais puis au centre de Vaugirard. Il reçoit en 1922 la médaille militaire.

Citons en dernier celui qui ne peut pas figurer sur la photographie :

  • François Léon Mérelle, né le 13 octobre à Sérifontaine, scieur à la machine, qui se trouvait le jour du tirage à Buenos Aires, et qui fut ajourné au 27 mai ; il semble ne s'être jamais présenté, avoir été déclaré insoumis, délit qui fut déclaré prescrit en 1937.

On peut noter que cette liste ne comporte que 9 natifs de Sérifontaine sur 12, quand le registre des naissances de 1884 porte 22 naissances de garçons.

Voici maintenant la  classe 1921  .

Ceux qui auraient vu passer la photographie telle quelle sur Internet mesureront le travail que j'ai dû faire, recadrage, nettoyage, augmentation du contraste... pour ne la rendre pourtant qu' à peine présentable. Celui qui a réalisé le cliché, sans doute en janvier 1922, avait un bien maigre talent : le groupe est décentré (cela permet de voir l'église) et les personnages du bord droit sont totalement flous. Seule une indication manuscrite anonyme, mais visiblement d'époque, indique qu'il s'agit du conseil de révision de la classe 21. Mise à part la technique photographique, la comparaison avec la photo de la  classe 1904  est aussi cruelle. Le drapeau est toujours là, les colifichets et les airs braves ont disparu.

Cette  classe  est régie par la loi Barthou de 1912, ce qui signifie qu'elle fera trois ans de service. En 1923 cependant la durée est réduite à 18 mois. Mais la plupart de ceux-là, s'ils ont coupé à la Grande Guerre, seront rattrapés (brièvement) par la suivante.

Ce 28 janvier 1922, ou peut-être dès la veille, ils sont partis, avec Monsieur le Maire. Pourtant il ne semble pas que celui-ci, qui n'est autre alors que Pierre-Eugène Boyer, fils du maire de 1904, soit sur la photographie. Il a bien signé la feuille du conseil de révision, mais peut-être ses sentiments anti-militaristes l'ont-ils conduits à ne pas en faire davantage. Détail amusant, un autre fils de maire fait cette année-là également partie de la  classe  puisque Kriegelstein (patron de l'usine des pianos de Droittecourt) fut maire durant la guerre, jusqu'en 1916 date à laquelle cet Alsacien patriote s'engagea volontairement..

Voici la liste des appelés, conservée aux Archives à Beauvais, et qui excède nettement les 14 garçons que l'on retrouve sur la table des naissances à Sérifontaine en 1901 :

  • Julien Ernest Béranger, né à Sérifontaine le 7 novembre 1901, ouvrier d'usine de 1m76, bon pour le service avec mention  apte à la flotte  ; il se marie en 1926 à Auvers-sur-Oise où il s'est installé, est rappelé en août 1939, puis démobilisé en juillet 1940. Il décède à Pontoise en 1980.
  • François-Jean Boquelet, né à Sérifontaine 23 juin 1901, laitier blond aux yeux bleus de 1m67, bon pour le service ; classé au service auxiliaire pour une infirmité légère, ressorti du service sans certificat de bonne conduite et qui s'en alla mourir à Paris.
  • Lucien Edouard Boutigny, né le 19 novembre dans le canton de Fleury sur Andelle, ouvrier d'usine aux cheveux châtains et aux yeux gris de 1m68, bon pour le service ; il fait deux ans d'occupation en Allemagne, déménage ensuite en Normandie et ne semble pas avoir été rappelé.
  • Albert Florentin Camus, né le 24 janvier à Songeons, mécanicien conducteur de tracteur, châtain aux yeux bleus de 1m70 , bon pour le service avec mention  apte infanterie  ; il sert dans des régiments de chars de combat et il est également rappelé à la seconde guerre pour exploiter cette précieuse spécialité !
  • Léon Auguste Carpentier, né le 23 mars à Sérifontaine, boucher, ajourné en 1921 pour faiblesse mais incorporé en 1922 comme chasseur à cheval ; il est brièvement rappelé en 1939 et, avant d'être détaché, pour raisons de santé, à la gestion des subsistances de Beauvais. Marié à Sérifontaine, il décède en 1954 à Bézu-Saint-Eloi.
  • Julien Marcel Crignon, né le 23 janvier à Sérifontaine, cordonnier châtain de 1m64, bon pour le service qu'il accomplit comme ouvrier d'artillerie ; rappelé le 2 septembre 1939 le malheureux est fait prisonnier et n'est donc rendu à la vie civile qu'en 1945
  • Henri Eugène Delaplace, né le 30 octobre à Sérifontaine, employé de livraison, châtain brun de 1m72, bon pour le service qu'il accomplit dans l'infanterie ; il se marie à Sérifontaine en 1926 et s'installe ensuite à Colombes, est rappelé sous les drapeau en 1939, sert au dépôt d'infanterie de Nyon avant d'être renvoyé chez lui en juillet 1940. Il est décédé à Talmontiers en 1971
  • Fernand Deletre né le 21 novembre à Sérifontaine, métallurgiste, blond aux yeux bleus de 1m70 , bon pour le service qu'il effectue dans les zouaves en, Algérie puis au Maroc avant de se marier à Sérifontaine en 1921 puis de s'en aller vivre à Vitry-sur-Seine ; il semble n'avoir été mobilisé que très peu de temps à la guerre suivante. Il est décédé à Carcassonne en 164.
  • Charles Henri Elysée Dumortier né, le 23 novembre à Gisors, mouleur, châtain aux yeux gris de 1m68, bon pour le service qu'il accomplit comme caporal dans le Génie; il s'installe ensuite en région parisienne, mais décède à Tours en 1931.
  • Alphonse Ismaël Fourgon né le 8 décembre à Songeons, métallurgiste, bon pour le service qu'il accomplit dans l'infaterie et obtient normalement son  certificat de bonne conduite . Mais rendu à la vie civile il  tourne mal  et on le retrouve condamné 4 fois de suite pour vol dans les années 30. Lors du second conflit, il ne se présente pas d'abord au dépôt d'infanterie, puis est appréhendé en mai 1940 par la gendarmerie de Dives-sur-Mer pour abandon de poste et refus de travailler. En revanche il signe en 1942 un contrat pour aller travailler en Allemagne où il décède l'année suivante en Basse-Saxe. Son nom n'est porté sur le monument aux morts ni à Sérifontaine, ni à Songeons.
  • Victor Grillet, né en novembre 1901 à Loconville, maçon dans le civil, apprenti conducteur sous les drapeaux, châtain aux yeux bleus de 1m64. D'abord ajournée pour faiblesse, sert dans l'infanterie à Beauvais puis dans l'armée d'occupation du Rhin. Il retourne ensuite vivre à Amécourt puis Sérifontaine, avant de s'installer à la fin des années 30 à Lavilletertre. Il sert de nouveau quelques mois sous les draapeaux sans quitter Beauvais avant de rentrer en juillet 1940 à Lavilletertre.
  • Paul Flavien Julien, né le 1er juillet 1901 à Sérifontaine, ouvrier d'usine, châtain aux yeux bleus de 1m69 ; fait son service dans les chasseurs à pieds ; marié à Sérifontaine en 1921, dans les années 30 il s'installe en Région parisienne, où il meurt une dizaine d'années après avoir été rendu à la vie civile par la déroute de 1940.
  • Noël Charles Edmond Kriegelstein, né à Sérifontaine le 25 décembre comme son prénom l'indique, blond aux yeux bleus de 1m53 ce qui ne le gêne pas dans sa profession de jockey ; il sert dans les chasseurs à cheval puis vit à Milan quelques années avant de revenir à Maison-Laffitte où il s'est marié en 1928. Père de 3 enfants, il est dégagé des obligations militaires. Il est décédé à Gouvieux en 1974.
  • Marcel Désiré Lagnitre, né le 5 mai à Sérifontaine, employé de bureau, d'abord ajourné pour faiblesse il sert ensuite à la section des Secrétaires d'Etat Major du Gouverneur militaire de Paris. Marié en 1922 à Sérifontaine et presque immédiatement veuf, il vit ensuite à Colombes d'où il est rappelé comme les autres de septembre 39 à juillet 40 pour servir dans des fonctions administratives. Il s'est remarié à COlombes en novembre 1939.
  • Georges Lessertisseur né en décembre 1901 à Rouen, 1m72, cheveux blonds, oeil bleu, front haut, nez moyen, visage ovale d'après sa fiche matricule ; il était alors limonadier. Il sert notamment à Casablanca, puis est renvoyé dans ses foyers en 1923, va vivre à Colombes et meurt en décembre 1937 à Oissel.
  • Ernest Maillard, né le 24 mars à Bazincourt, vernisseur châtain de 1m68 ; il est versé dans  l'artillerie lourde  et, remobilisé le 2 septembre 1939 c'est de nouveau dans l'artillerie qu'il est affecté, au camp de Laon, avant d'être envoyé aux Lilas, aux établissements Carimantrand, une petite entreprise d'ébénisterie, d'articles de bureau et de bimbeloterie qui, à l'approche du conflit, avait été reconvertie en usine de mécanique de précision. Utile au-delà de l'effondrement de juillet 1940, il y restera jusqu'à 1942, et se retire ensuite à Fontenay-sous-Bois.
  • Théophile Rainville, né le 7 décembre à Avesnes, chaudronnier de 1m72, châtain; versé dans les chars de combat à Maubeuge, puis dans le Génie. En septembre 1939 ses compétences semblent lui avoir value le statut d'affecté spécial sans que les circonstances ne donnent le temps de préciser ladite affectation.

La dernière photographie de ma collection est celle de la  classe 1931 .

La loi Paul Painlevé, en mars 1928, a réduit la durée du service militaire à un an obligatoire. Il ne sera porté de nouveau à 2 ans qu'en 1935. Ils ont donc peut-être le sentiment de  bien s'en tirer  par rapport à leurs aînés.

On voit ici 12 conscrits. Les documents d'archives à leur sujet ne seront pas communicables avant quelques années encore. Certains de nos anciens, avaient, pour m'aider à la publication de mon livre en 2010, cru pouvoir en identifier 9. Mais 3 seulement son nés à Sérifontaine, les autres noms (s'il ne s'agit pas d'erreurs) ne se retrouvant pas parmi les 19 garçons sur la liste des naissances de 1911. Donc, assis de gauche à droite : Legrand, Jacques Lebourg, Devergil, un inconnu, Desplanque . Et derrière, debout : Pierre Albert Mettaie, né le 4 février à Sérifontaine, décédé à Chaumont en 1969 ; Roger Carbonnier, né le 26 janvier à Sérifontaine, marié à Sérifontaine avec Denise Therenty ; Roland Marie ; Klébert Lecas, deux inconnus, et Maurice Feugueur, né le 30 janvier à Sérifontaine, marié à Eragny en 1934.

Je compte sur mes lecteurs en ligne pour m'aider à corriger, affiner, compléter !

On ne peut qu'être frappé par cette photographie qui sent déjà l'avant-guerre. Au premier abord ces jeunes gens sembles négligés; en réalité ils sont provocateurs. Le clope au bec de trois d'entre eux, les jambes écartées et les airs pleins de défi ne trompent pas. La fanfare, réduite à deux instruments aux mains des conscrits, semble davantage celle d'un charivari que celle d'un défilé. Est-ce seulement l'effet du temps ? On pourrait le penser si on ne voyait pas, dans d'autres régions sans doute marquées par des influences politiques conservatrices, de bien moindres évolutions. Voyez la très riche page consacrée aux photos de  classes  de la petite commune bretonne de Billé-les-Mouches près de Fougères.

J'aurais tendance à penser que cette dernière photographie témoigne d'un état d'esprit spécifique d'une jeunesse ouvrière socialement moins soumise et politiquement consciente, que les célébrations du moment où l'on deviendrait  bons pour les filles  touchent moins que les premières secousses de la crise venue d'outre Atlantique. En juillet 1930, Maurice Thorez est devenu secrétaire général du Parti communiste français. A Sérifontaine, Pierre-Eugène Boyer, membre du PCF, a été réélu en 1924 et en 1930. Entre la propagande de l'instituteur Dommanget, très sensible dans l'Oise, et celle de la générale Pallu (propre sœur du Maire!) la vie politique à Sérifontaine sent très fort l'affrontement idéologique, comme je l'ai déjà évoqué au sujet du monument aux morts.

Dans ce climat, les jeunes que l'on a photographiés au début de 1932 avaient sans doute choisi leur camp...

Publié le mercredi, février 23 2022 par Jacques Favier

Commentaires

1. Le jeudi, février 24 2022, 15:58 par Dominique Boucherot
Léon Auguste Carpentier, était mon grand oncle, le frère de ma grand-mère. Il était boucher à Bézu St Eloi.Roger Carbonnier, était chauffeur à l'usine la Compagnie Française des Métaux et entre-autre, il conduisait le car de l'usine qui nous emmenait chaque jour au collège à Gournay en Bray et puis après le Tube Citroën pour aller une fois par semaine à Beauvais au Lycée.
Encore merci pour votre travail de recherche sur Sérifontaine