Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau et La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille

Au Louvre, j’aime beaucoup l’idée de ne pas vous présenter un mais deux tableaux dans un même billet : Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau et La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille le tout sous le pinceau de Colijn de Coter dont on retrouve dans les traits de la peinture cette espèce de joie de vivre germanique qui a fait mon bonheur lors de la descente de croix.

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau et La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau et La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

Et quand je pense que si la conservation avait été ce qu’elle aurait dû être, nous n’aurions pas un, ni deux, mais trois tableaux autour desquels divaguer ce jour. En effet les deux tableaux côté à côté heurte le regard car il manque clairement au milieu ce qui devait être la naissance de Charles Quint avec Dieu tout puissant au-dessus.

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau et La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

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Si nous allons tenter de rigoler sur les têtes de cul des deux tableaux, je vais devoir remettre quelques pendules historiques à l’heure, histoire de ne pas vous perdre dans les méandres des successions habsbourgeaux-espagnols. Même si se perdre c’est ce qu’il est conseillé de faire pour arriver à ces deux tableaux. Au Musée du Louvre les tableaux ont des zones d’exposition, des étages, très précis sur les murs desquelles ils se répandent. La même remarque s’applique aux objets, aux sculptures, aux tentures, etc. Ces deux tableaux font clairement exception. Au premeir étage entre les objets du Moyen-Age, les tapisseries et autres porcelaines de Saint-Porchaire, ils sont là, seuls, contre un mur. Colijn était-il pestiféré pour être ainsi écarté des cimaises des salles dédiées à la peinture ? Ces tableaux auraient parfaitement leur place aile Richelieu, deuxième étage. Ils ne font même pas parti d’une collection à ne pas disperser dans le musée (comme cela peut être le cas pour la collection Beistegui). Pauvre Colijn abandonné, ce billet est aussi pour toi.

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau et La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

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Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

Quand enfin vous tombez nez-à-nez face aux tableaux, que découvrons-nous ? Sur le tableau de gauche, les gars. Devant, Jésus et derrière, Philippe le Beau. Sur le tableau de droite, les filles. Devant, Marie et derrière, Jeanne de Castille. Jésus et Marie sont dits méditateur et méditatrice, donc en méditation autour du berceau du petit Charly Quint, genre « né sous les meilleurs auspices. Meilleurs que cela tu meurs ! » Je médite assez peu ces temps-ci mais il est certain qu’en pareil occasion je ne jouerais pas avec mes plaies comme le fait Jésus. Surtout à proximité d’un nouveau-né. C’est assez répugnant, en plus si vous inclinez la tête de 90° on a l’impression qu’il a ses doigts autour d’une vulve.

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

J’admets avoir l’esprit mal placé, mais vous venez d’incliner la tête pour vérifier. Cochons ! Après je critique le fils mais la mère n’est pas mieux. Qu’est-ce donc que cette façon d’accueillir un enfant nouveau avec un nichon dans la main ? Merde, il s’agit de Charles Quint quand même ! Empereur du Saint-Empire romain germanique. Un peu de tenue. Mais je veux bien consentir aux experts qu’il n’y a aucune vulgarité. Que les deux principaux personnages se tripotent les seins et qu’il faut, au contraire, y voir une réponse de l’un à l’autre, mais quand même. Un peu de tenue. Notez au passage que Marie, comme Valentine, a de tous petits tétons. Je dis juste que pour allaiter Jésus, cela a dû être un peu plus compliqué.

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

Derrière Jésus Vulve Christ, Philippe le Beau avec une coupe de Playmobil abandonné. Je vous laisse porter un regard sur la beauté dans le XIVème siècle allemand ou plus exactement sur la façon de traduire cette beauté. Je n’ai pas d’avis sur Fifi. Pour votre culture, il est le petit-fils de Charles le Téméraire et donc le père de Charles Quint. Il sera aussi le père d’une reine consort de Portugal puis de France (Eléonore), d’un roi d’Espagne et empereur du Saint-Empire (le fameux Charly), d’une reine consort de Suède, de Norvège et de Danemark (Isabelle), d’un autre empereur du Saint-Empire (Ferdinand), d’une gouvernante des Pays-Bas mais aussi reine consort de Hongrie et de Bohême (Marie) et enfin d’une autre reine consort de Portugal (Catherine). Philippe le Beau ce n’est pas une paire de couilles qu’il avait en les cuisses, c’était le Gotha.

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

Dans la Boys’Team pleins de personnages super importants, j’imagine, dont je ne dirai pas un mot faute de temps et surtout d’envie. En plus j’ai pitié pour vous qui venez de vous fader la généalogie plus la descendance des Habsbourg. Mais on retrouve en vrac du curé, du cardinal, de l’archiprêtre, du moinillon qui viennent faire la claque pour remplir le fond du tableau.

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

A noter au milieu de cette foule un monsieur affublé d’un appendice nasal de belle taille et prompte à intéresser les ORL ou les bloggueurs taquins. Le style allemand c’est ça : on peint ce que l’on voit, pas de fioriture esthétique des personnages, pas de Photoshop. Résultat, gros pifs, grandes oreilles, teints cireux, cernes, calvitie. Une vision très réaliste, dure et peu flatteuse de la cour de Fifi et Jeanne. Vous comprenez mieux pourquoi Philippe était surnommé Le Beau, dans son style c’est le seul qui arrive à tirer son épingle.

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

Derrière Marie-Nichon, Jeanne de Castille, dont on sent assez facilement qu’elle devait battre pas mal de monde à plate couture à Je-te-tiens-tu-me-tiens-par-la-barbichette, tant elle respire la joie de vivre. Jeanne c’est la fille de Ferdinand et Isabelle. Les rois catholiques qui boutèrent les arabes hors d’Espagne à la fin du Moyen Âge. Les juifs aussi, ils ne faisaient pas dans le détail. C’est-à-dire que Jeanne aurait aussi pu sauter sur les genoux de Christophe Colomb venu quémander à sa maman des subsides pour organiser sa Route du Rhum de l’époque. Elle aura pu changer de genoux et se retrouver sur ceux du Cid. Voilà, tout cela pour vous remettre les choses dans un contexte historique plus large.

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

Jeanne est aussi, à peu près la mère du même nombre d’enfants que son mari (à deux ou trois bâtards près), je vous épargne la liste une seconde fois. Mais le drame de Jeanne ce fut d’aimer son mari. En effet à l’époque les mariages étaient plus des arrangements territoriaux que des roucoulades érotico-amoureuses cependant quand Jeanne a vu Fifi elle en a été folle. Mais folle à un point que vous ne pouvez pas imaginer.

Car comprenons-nous bien, Jeanne a hérité de sa maman la Castille. Mais régner ce n’est pas son truc. Elle préfère écrire Philippe avec des petit cœurs sur les i ou s’entrainer à signer Jeanne de Habsbourg dans son gros carnet Hello Kitty, plutôt que collecter l’impôt. Alors Papa Ferdinand qui régnait déjà sur l’Aragon se propose de mettre la main sur la Castille. Alors Philippe le Bourguignon, se propose de régner pour sa femme : « Mais non beau-papa, ne vous donnez pas cette peine, je vais m’en occuper. Retourner biner votre jardin. ». On peut dire ce que l’on veut mais le Habsbourg est poli.

 

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau et La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau et La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

Ce problème de mainmise sur la Castille est vite tranché puisque Philippe meurt peu de temps après une entrevue avec son beau-père. Chouette ambiance ! Mais ce n’est pas grave c’est Charles Quint qui se propose alors, au nom de l’héritage paterno-maternelle, de régenter tout cela. Bref au milieu de ce bal de vautours, celle qui gêne c’est Jeanne qui a le mauvais goût de ne pas mourir alors on va assez facilement la traiter de folle pour l’éloigner du pouvoir.

A la décharge de Ferdinand, Philippe ou Charles, elle avait quand même un petit pet au casque à la base. Ainsi quand Philippe, son époux, meurt, Jeanne le veille. Elle le veille, encore, et encore, on vient lui signaler que feu son mari sent un peu et qu’il faudrait l’inhumer. Jeanne refuse de se séparer de la dépouille. Elle commence à refuser poliment puis se met à entrer en furie quand on commence à enterrer son Fifi. Elle devint alors pour tous Juana la Loca (Jeanne la Folle).

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

De manière moins fragrante que chez les garçons mais derrière la Girls’Team qui accompagne Jeanne, on trouve aussi un paquet de laidrons. Ceci est à relativiser car elles ont toutes la tête recouverte d’un charmant fichu, nous privant de belles paires d’oreilles et autres crânes difformes. Et comme son pendant masculin, on trouve dans le lot un splendide exemplaire d’appendice nasal.

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

Si ce n’est pour vous rebattre les oreilles des successions castillano-bourguignones, pourquoi vous imposer un nouveau billet, juste après la Descente de Croix de ce style germanique un peu sec ? Par sadisme justement, pour vous couvrir de l’apprêtée teutonique avant de s’envoler vers des sujets plus légers, des représentations plus douces, des visages plus ronds.

Il n’est pas question chez Colijn de Coter d’idéaliser le beau Fifi ou Jeanne la fofolle. Il n’est pas plus envisagé par l’artiste de dépeindre la cour avec la couardise hypocrite du peintre rémunéré par le palais. Il représente ce qu’il voit et cela devait plaire. Sinon l’œuvre n’aurait pas été conservée à travers les siècles et à la première occasion un bucher de l’Inquisition l’aurait réduit en cendres avec le peintre au milieu.

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

La Vierge médiatrice, avec Jeanne de Castille de Colijn de Coter

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

C’est d’ailleurs ce que j’aime dans ce tableau, la rudesse des traits contre le détail des tenues, la dureté du coup de pinceau pour la volonté de réalisme. J’aime qu’à une époque ces têtes de veaux à couronnes aient pu sembler la plus belle, la plus juste et la plus parfaite représentation des personnes de ce temps. Promis c’est la fin (pour le moment) de la période germanique et si vous ne me croyez pas, venez voir.


Par contre je ne comprends toujours pas, Marie pourrait dire un petit mot à son fils, on a toujours l’impression qu’il fait la gueule partout où il va…

Le Christ médiateur, avec Philippe le Beau de Colijn de Coter

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