A l’orée d’un bois, là où tout commence, nous retenons notre souffle et tandis que la pluie exerce sa joyeuseté, nous retenons une fois de plus notre souffle, puisque plus loin, l’on voit apparaître une petite lumière vacillante et bien grâcieuse. Nous suivons l’envol d’un oiseau majestueux, aux multiples couleurs du temps, saisissant un morceau du ciel par son bec. Il est si beau, si noble, que le cœur chante allégrement. Les poussières grises, les éclats d’obus, les murs qui s’effondrent, les temples en ruine, tout cela n’a pas raison de l’oiseau qui continue son périple. Est-ce un aigle, un épervier, un faucon ? Ou bien ? Ne devinez-vous pas l’extraordinaire fusion d’un oiseau de tous les temps ? Il enfile les perceptions comme on enfile les perles et son état est plutôt constant. Où va-t-il ? Ne le devinez-vous pas ? J’ai surpris un océan de larmes au fond de ses yeux, captivés par l’Amour incessant, lumière jaillissante et seule Réalité qui sauvera le monde.
Contes et légendes
Le pays des lumières
Au pays des lumières, il est trois notes de musique, joyeuses et libres comme le lierre, au vent, tombant sur les chemins de volutes. Au pays des lumières bat un cœur intrépide, des mains qui palpitent et un courage hors-pair. Au pays des lumières, l’obscurité est une douce pénombre et l’on s’assoit volontiers sous un petit lampadaire. L’on vogue ainsi sans discontinuer jusqu’à l’ami, par-delà l’océan. Au pays des lumières, la mouette fait des arabesques dans le ciel et veille sur les marins perdus en mer. Au pays des lumières, l’on garde aisément sa simplicité et l’on trace avec le doigt une ligne droite. L’on chante et l’on rit, car l’on se souvient des profondeurs de la nuit, des racines enchevêtrées dans la forêt et l’on se souvient aussi des Hauts de Hurlevent, alors que le poète suit le mouvement des collines. Au pays des lumières, l’on se souvient et l’on rit. Quelques fruits sur une table, des petits pains et quelques confiseries. L’on se souvient d’une bienveillante solitude, dans la paix et la certitude, que tout cela est un instant immuable. Le pays des lumières chatoyantes est un pays qui danse sur la pointe des pieds au puits des cœurs juteux et de tous les transis d’Amour. L’on entend avec abondance les dialogues incessants, les récits d’un autre temps. Peut-être vous conterai-je, un jour, l’histoire extraordinaire de Mr et Mme Arwen Brayan de Pontécoulant ?
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Peinture de Difazio
La légende de Signör (4)
Le préambule qui ne jamais commence ni ne jamais s’achève, ou le chant des Monts de Vôlgïght
Nous sommes seuls, inévitablement seuls, parfois perdus dans l’inextricable forêt, ou bien dans un désert aride et sans fin, mais, nous sommes seuls et nous ne le savons plus. Ceux qui s’incarnent au-delà des apparences, dans le tréfonds ancestral de notre lointaine naissance, notre origine, notre essence profonde, notre point d’ancrage véritable, celui qui prend racine dans le Ciel de notre âme, car notre histoire cogne si fort au heurtoir d’une porte invisible, qu’il est évident que notre solitude est notre authentique peuple intérieur, et que notre étendue exaltée dans l’immensité de l’impalpable est en nous-mêmes.
Comme est souveraine la mort qui nous prépare à la vie ! Comme est exultante la Lumière qui resplendit dans le monde de l’au-delà. Pour ceux qui aiment le monde d’ici, alors, inévitablement ils aiment l’au-delà, puisque ce monde est une ombre écrite sur les pages mystérieuses du souvenir et que la trame va bien au-delà. Entends le chant à peine audible à l’oreille ! Il ne peut être entendu qu’en nous-mêmes ! La véritable solitude établit, sans conteste, le lien avec ce qui est notre origine et nous sommes les inconnus, incontestablement, les inconnus et lors que notre forêt s’ouvre large sur les mondes perdus, nous voyons. Oh ! Nous voyons les Terres peuplés, les Terres promises et, qu’on le sache, il n’en est pas qu’une.
Nous nous trouvons sur un pont écorché de voiles et pourtant c’est en eux que se trouve la langue des âmes. Efface donc le voile afin de voir l’écriture intacte. Ceci s’adresse à ceux qui se sont libérés des contingences. Ceci s’adresse aux âmes inconquises. Ceci s’adresse au peuple intact. Ceci s’adresse à toi ! Ô mon âme ! Nous chantons ! Ô mon âme ! sans t’évanouir, le monde s’efface et fait place, oh oui, fait place à la naissance. Il ne s’agit pas d’un endroit localisable, ni d’un lieu que l’on détermine par la simple raison. Il ne s’agit pas d’un rêve, ni d’un désir. Il ne s’agit pas non plus d’une quelconque projection, ni de la formulation d’un espoir hypothétique. Il s’agit d’un préambule dont la durée est impossible à évaluer. Il n’est ni distance, ni magie. Mais il peut susciter la peur, voir l’effroi, tout comme il peut être une éclosion de merveilles !
J’ai saisi l’odeur de la terre,
L’ayant extraite de la pluie,
Quand l’air et le souffle,
Pétrissent et repétrissent,
Ici surgit le feu de la nuit ;
Mes mains enchevêtrées aux tiennes,
Les racines de notre cœur,
Par l’écorchure de l’aube,
Voici s’élancer au Ciel,
L’Epée plantée dans l’âme,
Et que vive, Eau vive de l’oriflamme
Que vive cette soudaine Vallée,
Peuplés d’anges, peuplés de souvenirs,
Les uns chantent,
Les autres font des louanges,
Et le saphir de ton regard,
Fait de même jaillir et transcrire,
L’étincelante voix !
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Peinture de l’auteure (en cours) : La légende de Signör.
La légende de Signör (3)
Pays du Nord
A chaque saison et à chaque cycle, nous sont parvenus, non seulement des récits fabuleux, rapportés par des êtres valeureux, mais aussi des témoignages extraordinaires de mondes naissant, s’occultant, perdurant, parfois finissant et renaissant sous une forme différente. Où il est question de mythes et de légendes, inscrits sur des parchemins de lumière, auxquels certains êtres ont accès. S’agit-il de vieux mondes, de mondes futurs, de mondes dont la multiplicité et l’ancienneté ne s’inscrivent nullement dans le temps, ni dans l’espace ? Je vous laisse le trouver.
Signör (2)
Je te vis dans les neiges,
Mon regard !
Tu vins par le grand froid.
Je te vis au chant des arbres,
Vespérale,
Et nous lançâmes nos voix,
Sur les cimes :
Soyons deux,
Soyons deux, mon ami !
Au feu de la sombre nuit,
Les flammes dansent,
Mon crépitement !
Soyons deux,
Soyons deux, mon ami !
J’ai vu passer le renard,
Frôlait-il les sapins assombris ?
Le cerf dressé comme l’échelle,
Soyons deux,
Soyons deux, mon ami !
A la lueur de tes bras,
Je m’endormis,
Et le cœur fit d’étranges récits.
Tu m’enveloppas de vie,
Et je descendis au gouffre lumineux,
Dans l’éclat d’une étoile,
Nous bûmes la neige,
Soyons deux,
Soyons deux, mon ami !
La vision de Léyannah :
Je ne connaissais pas ton nom, mais tu brisas la sombre glace et mon cœur se mit à vivre. Signör ! Tu l’écrivis comme une révérence sur le chemin du grand Nord. Tandis que les battements de la terre devenaient aussi violents qu’une secousse de volcan, ton nom fut verdure et joie dans le coeur de Léyannah.
Signör
Il nous parvint,
A l’effluve exquise,
Quand la nuit douce,
Semée de lunes,
Et que le vent s’apaise,
Aux rives fluviales,
Jusqu’au Nil,
Tempêtueuses dunes,
Il nous parvient depuis le Nord,
Le chant des banquises,
Le son qui sonde,
Les ruisseaux,
Jusqu’au delta,
Et semé de perles,
Nos douces confidences,
Nous étions jeunes !
Au bois doré,
Nous voguions,
Sur les roches noires,
Comme la mémoire,
Du Pays est vive !
Je tremble ; l’elfe des sous-bois,
Et voici que Signör s’éveille !
Entends les lichens,
Embrasse l’écho,
Et l’hardiesse ! Ô Hardiesse !
Le flanc d’un océan s’émeut,
Et je rejoins Flônor,
L’impromptu signe,
Une étoile, un ours, un trèfle,
Métha et Soriande !
Cachons-nous au détroit de Vôlgïdht :
J’entends au loin la voile de Signör !
Il est puissant et altier !
Sur sa chevelure de feu,
Gouttent, une à une,
Les rubis d’un autre monde.
Préambule :
Où il est question d’un élixir, d’une forêt, d’un seigneur, aux confins des deux-ondes. Je vous l’avais conté depuis tout ce temps, cher ami, et nous buvions, ensemble, le goût des voyages inépuisables, l’assemblée, le monde du Nord. Souvenez-vous de notre âpre volonté érodée sur les socles de Vôgidht ! Ah ! Quel voyage ! Quel voyage !
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Image trouvée sur le net.
Parabole : Logos
Depuis la parabole se propose un langage et nous en fûmes assez déconcertée. La sagesse s’inscrit souvent dans ce que l’on ne comprend pas. Ne soyez pas des inconnus dans un monde riche de paraboles ! Le symbole danse aussi joyeux qu’une porte qui s’ouvre. Et où s’ouvre-t-elle ?
D’une rive à l’autre
Au terme de la vie, pour ceux qui croient que la vie ne cesse de suivre son long fleuve, que restera-t-il ? Je n’ose évoquer les autres… Les uns ont dressé des barricades, d’autres ont poursuivi des chimères, et puis d’autres ont vécu une vie recroquevillée sur elle-même comme n’ayant du souffle qu’un sursaut intermittent…
Les yeux de l’eau recèlent mille et unes formes, trépides, fourmillantes, et comme les saisons qui passent, les couleurs sont et ne se ressemblent pas. Notre ami, le batracien régnait en cet étang qui, à bien des égards, surpassait d’autres eaux. Du plus petit insecte au plus grand des poissons, de la tige à la fleur, l’étang offrait, à qui voulait bien voir, de scintillantes images. Ce crapaud frayait assez nonchalamment avec notre amie la grenouille. Chacun était disposé à partager ce foisonnant plan d’eau, plus précisément, au moment de la pondaison.
L’agilité de la grenouille complétait assez aisément la pondération du crapaud. L’un était plutôt placide et l’autre d’une agilité peu commune. Ils appartenaient à la même famille, mais se distinguaient notoirement dans leur apparence et même dans leurs caractéristiques. Sachez que certains crapauds pouvaient être mortels. Quant à la grenouille, elle aimait, avec sa grâce habituelle, évoluer dans l’eau. Vous me direz qu’il faut de tout pour faire un monde. Le crapaud veille et l’agile grenouille va d’une rive à l’autre.
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Illustration de Susie Ghahremani
Deux lumières
Comme toujours, les histoires de singes ont quelque chose de fascinant. Comment l’expliquer ? Tous les singes sont étonnants. Pourtant, pareillement, je dirais que les histoires de lions ont quelque chose de majestueux. Chaque animal est une parabole vivante. Cette dernière possède deux lectures possibles : sombre ou lumineuse. Tantôt l’animal revêt des attributs mirifiques et tantôt ceux-là s’obscurcissent pour devenir de funestes caractéristiques. Il en est ainsi pour toute chose. Non pas que le regard change en fonction des uns et des autres, mais parce que la part obscure et la part lumineuse sont présentes en nous. Cette oscillation, ces basculements incessants, font partie de la vie. Néanmoins, le singe que nous rencontrâmes était un sage. Ce singe avait fait un long voyage. Je dirais même qu’il avait vécu une multitude de vies et avait subi quelques épreuves colossales. Mais un singe sait se courber. Il avance avec la lenteur des années qui passent. Concernant notre personnage, dans sa jeunesse, le feu avait dansé dans ses veines et l’avait conduit à de bien piètres actes. Pourtant, nul doute, ce singe était aimé des cieux : une grâce l’avait touché. Quand il passa la trentaine, notre ami vit couler dans ses veines un ruisseau qui se changea en fleuve. Le cours d’eau devint puissant et charria le feu, puis, se transmua en or. Alors, notre sage s’installa dans une contrée lointaine et se courba d’avantage. Quand je le rencontrai, nous échangeâmes un long regard. J’entendis son histoire au travers de ses pupilles dilatées. Mais voici surtout ce qu’il me transmit, à moi, pauvre errant : Tant que la lumière intérieure est présente, nul blâme, la lumière extérieure fusionne avec celle qui a été préservée.
Le bâtonnet de Khôl
En ces temps-là, les hommes étaient devenus ivres. Ils avaient fait de leur folie une raison. En ce temps-là, quand un homme s’éveillait, il devenait l’objet de railleries et l’hostilité pouvait aller jusqu’au crime. En ce temps-là, il y avait beaucoup de ténèbres mais, étrangement, beaucoup de lumières. Un homme, du nom de Denethor, qui avait étudié, durant de longues années et avait obtenu tous les honneurs liés à ses titres, se sentit envahi par une étrange nostalgie. Il tomba malade et s’alanguit pendant de longues semaines. Les membres de sa famille ne comprenaient pas ce qui lui arrivait. Ce jeune homme était brillant. Il avait obtenu tous ses diplômes excellemment et avait fini premier de sa promotion. On lui proposait même un haut poste dans une entreprise de renom. Que lui arrivait-il ?