Self-righteousness

Ce qui semble étrange, c’est cet appauvrissement de l’originalité. Mais que peut bien vouloir dire « être original », dans le fond ? That is the question ! La concentration émotionnelle, l’envahissement collectif, la déraison d’une masse informe, la non-réalité. Beaucoup de gens pensent vivre, mais ne vivent pas. Il ont une approche qui fusionne inévitablement avec le mimétisme. Je n’éprouve nullement le besoin d’agrandir mon cercle de relations, car, j’ai bien remarqué, qu’en dépit du bon sens, il y a moins de gens sur la planète qu’on ne l’imagine.

Je la regardais, ahurie. Emily Kaitlyn observait minutieusement ma réaction. Ses yeux, comme de coutume, exultaient. Elle refreinait son pétillant rire. Oh ! my dear ! Vous prenez toujours tout au pied de la lettre, lança-t-elle, tout en versant le thé dans les tasses anglaises, de style shabby. Il n’y a pas beaucoup de gens avec qui l’on peut parler longtemps, insista-t-elle. Je n’aime pas l’esprit carré de nos contemporains. Une déploration inévitable, pourtant. Des rondeurs qui n’en sont guère, des paroles qui sont de pompeuses mielleries indigestes. Une liberté qui ressemble à une boite de conserve. Self-righteousness ! Comment diriez-vous ? Un impondéré pharisaïsme. Intolerable ! répéta-t-elle, avec son merveilleux accent, levant la tête, comme indignée, vers le plafond du salon. Il faut briser cela, même chez toi, dear girl. Reprends donc un morceau de cake, je sais que tu l’aimes beaucoup.

Je comprenais parfaitement ce qu’Emily Kaitlyn cherchait à susciter en moi. Combien de fois m’étais-je demandée ce que cette superbe femme avait pu me trouver, moi, lamentable personne qui ne trouvait sa place nulle part et qui s’étonnait que tout le monde sache tout sur tout. Soudain, comme si elle lisait dans mes pensées, très sagace, Emily Kaitlyn déclara : Justement, c’est parce que tu ne sais pas qui tu es ! Tu comprendras bien vite que notre rencontre n’était pas fortuite. D’une certaine manière, je t’attendais, me confia-t-elle. Tu as le don de provoquer les événements, mais tu ne le sais pas encore. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard, si, ce même jour, au marché Brassens, j’ai découvert le Livre et t’ai de suite reconnue. Une magistrale coïncidence ! Je te tiens et ne te lâche plus.

Cette fois-ci, ce fut moi qui me mis à rire. Emily Kaitlyn était typiquement elle-même, et sa façon de s’exprimer, en un français entremêlé d’anglais, les gestes et les expressions de son visage qui semblaient imperturbables, mais Oh ! combien révélateurs, formaient un singulier tableau que j’aimais regarder. Je ne parvenais pas encore à exprimer ce que je ressentais. J’aimais que cette femme brise les raideurs de mon mental. Emily Kaitlyn ne blessait jamais mon âme. A aucun moment, elle ne chercha à me dominer, ni à exercer une quelconque emprise sur ma personne. D’instinct, l’on sent ces choses-là. Combien de fois me donna-t-elle l’occasion de lire, de découvrir ! Elle allait jusqu’à m’offrir certains ouvrages de grande valeur, que je lisais attentivement, parcourant ses notes avec beaucoup de plaisir. Pour connaître ce monde, il faut avant tout se connaître. Cela exige l’effort d’une vie entière… Nous avançons tous comme des fourmis… lança cette femme étonnante, avec beaucoup de gravité. Mais je dois dire que certaines fourmis sont de fines ouvrières.

12 réflexions sur “Self-righteousness

  1. On sent chez ton amie (et chez toi qui le transmet si bien) ce bonheur d’un parler vrai loin du verbiage ambiant, on ressent cette joie de l’échange qui interroge, tâtonne, cherche et parfois, explosion de joie, illumine un coin de vérité

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    • Chère Hedwige, effectivement, Emiy Kaitlyn, qui a vingt ans de plus que moi, me surprend par son biorythme différent de la plupart des gens. C’est ce qui m’attire chez elle : cette aptitude à briser le temps. Être en mesure de vivre le temps qui n’est pas le temps. Il s’agit d’une incarnation, de la tête aux pieds. Notre amitié est en Dieu. L’exploration du Divin est illimitée et parfois nous rions beaucoup de cette illimitation. Que de voyages !

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  2. Bonsoir Béatrice . Ton amie est une bonne vivante . Elle essaie de te rendre heureuse. C’est un bon signe d’amitié véritable. Ne la perds pas.
    « L’amitié est le trésor le plus précieux et le plus rare de la vie. Un véritable ami partage mes plaisirs et mes peines ; il tolère mes défauts, et n’a point de lâche complaisance pour eux. Il ne me fait point de protestations continuelles de zèle, mais il me marque, dans toutes ses actions, un tendre et sincère attachement. C’est mon intérêt qu’il désire, et qu’il cherche préférablement au sien. »
    Jean-Jacques Rousseau ; Les pensées d’un esprit droit (1826)

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    • Cette amie a surtout cherché à ce que je sois. Heureuse, je le suis. Quand j’étais étudiante, j’étais très silencieuse et j’avais du mal à parler avec les autres, ne voyant en eux qu’une pauvreté conformiste. La rencontre de certaines personnes est déterminante, surtout quand ces personnes vous ouvre à d’autres perspectives.
      C’est vrai que ceux qui ne se prennent pas au sérieux sont des personnes très riches et très profondes…

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    • Le bonheur, la joie, ne sont nullement égoïstes. Cet état te mène à la paix et cette paix déploie l’Amour pour tous, sans filtrage. Néanmoins, dans le relatif, nous gardons notre fidélité en l’Absolu. Mon bonheur ne peut venir que de Dieu, Ahmed. Je te le souhaite de tout cœur.

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      • Merci Béatrice . Justement, j’ai trouvé mon bonheur dans l’évocation d’Allah (Le Dieu Unique sans associé) en tant que croyant pratiquant par la prière quotidienne et les invocations du jour et de la nuit. Ça ne veut pas dire que je suis un ermite. Je vis comme tout le monde mais selon ma foi : faire du bien et proscrire le mal. Ainsi, mon cœur est apaisé et ma conscience tranquille comme c’est mentionné dans le verset ci-dessus. Bonne journée Béatrice.
        « Ceux qui ont cru, et dont les cœurs se tranquillisent à l’évocation d’Allah ». N’est-ce point par l’évocation d’Allah que se tranquillisent les coeurs? »(Coran 13:28)

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