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Poésie

Le Renard et le Corbeau (Isaac de Benserade)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2020



Illustration: Marc Chagall
    
Le Renard et le Corbeau.

Le renard du corbeau loua tant le ramage,
Et trouva que sa voix avait un son si beau,
Qu’enfin il fit chanter le malheureux corbeau,
Qui de son bec ouvert laissa cheoir un fromage.

Ce corbeau qui transporte une vanité folle,
S’aveugle et ne s’aperçoit point
Que pour mieux le duper, un flatteur le cajole :
Hommes, qui d’entre vous n’est corbeau sur ce point.

(Isaac de Benserade)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

6 Réponses to “Le Renard et le Corbeau (Isaac de Benserade)”

  1. Docte Goupil
    ———-

    Maître Goupil, dit-on, de ce monde a l’usage,
    Des trésors de sa ruse on a fait un roman ;
    En des temps très anciens j’en ai lu quelques pages,
    Et même des extraits traduits en allemand.

    En deux ou trois sonnets je lui rendis hommage
    Afin de le dépeindre en héros triomphant ;
    Car il sut du corbeau susciter le ramage,
    Pour notre amusement, pour celui des enfants.

    C’est un bon compagnon pour les jours de misère ;
    Ceux qui de l’imiter autrefois s’avisèrent
    Eurent moins de tourment, ne dites pas que non.

    Le renard n’écrit pas, mais il sait très bien lire ;
    Il aime rencontrer la science et le délire,
    Ainsi que les auteurs qui célèbrent son nom.

    • Innocuité du goupil d’argent
      ———

      Ce vieux goupil n’est pas un animal retors,
      Il ne regrette point sa jeunesse dorée ;
      Sa vie, qui jadis fut vivement colorée,
      A maintenant pour cadre un modeste décor..

      Lui, qui dans ses métiers n’a gagné nul trésor,
      A fait en maints endroits d’amusantes virées ;
      Une muse parfois, par son verbe attirée,
      Voulut bien lui donner un peu de réconfort.

      Ce paisible goupil jamais ne fut ascète,
      Cela n’est même pas l’une de ses facettes ;
      S’il eut quelques talents, ils furent clairsemés.

      Il laisse un peu courir sa plume jamais lasse,
      Qui sur le blanc papier lentement se déplace ,
      Son coeur va révisant les temps du verbe aimer.

  2. Goupil cynique
    ———-

    C’est un sage animal, le plus rusé qui soit,
    Il dit qu’il peut tromper La Fontaine en personne ;
    Ce qu’il ne sème point, souvent il le moissonne,
    Il n’a pas mérité tous les biens qu’il reçoit

    Le corbeau est fâché, sitôt qu’il l’aperçoit,
    Lui qui n’a point pensé que la leçon fût bonne ;
    Un tel oiseau n’est pas de ces gens qui pardonnent,
    Car il vit dans un monde où c’est chacun pour soi.

    Ne suivez donc jamais de ce goupil l’exemple,
    Qui, comme un prédateur, ses victimes contemple ;
    Ce n’est pas charitable et ce n’est pas bien beau.

    Dans les fables, vraiment, ses fautes il peut lire,
    Mais, malheureusement, ces textes le font rire ;
    Le fabuliste aussi en rit, dans son tombeau.

  3. Le dieu­-corbeau et le démon-­renard
    ————–

    Le fils du charpentier, sur sa croix accroché,
    Tenait entre ses dents le salut de ce monde.
    Le prince Lucifer, par le sang alléché,
    Vint voir cette souffrance à nulle autre seconde.

    Le crucifié trembla en voyant s’approcher
    Le dragon ricanant aux manières immondes,
    Qui lui dit : « Mon cousin, Dieu est­-il si fâché
    Que vous mouriez ici et que l’orage gronde ? »

    Oubliant qu’il fallait surtout serrer les dents,
    Le crucifié lui parle, et, de ce fait, perdant
    Les âmes dont il fut pour un temps le refuge,

    Les laisse dévorer par Maître Lucifer,
    Qui, le ventre bien plein, s’en retourne aux enfers,
    Souriant de lui­-même, et de son subterfuge.

    • Le dieu Blaireau et le démon Goupil
      ————————————

      — Renard, tu ne fais que tricher,
      Tu veux arnaquer tout le monde ;
      Avec moi, tu peux t’accrocher,
      Je n’ai pas un cerveau de blonde.

      — Blaireau, tu es mal embouché !
      Tu me prends pour un être immonde ;
      Mais je ne vais pas me fâcher,
      Même si ma peine est profonde.

      — Tu veux tu t’en sortir en plaidant,
      Tu crois que j’y serai perdant ?
      Démon rusé, tu te berlures.

      — Moi, j’ai su tromper Lucifer
      Pour ne pas aller en enfer ;
      D’un pigeon je n’ai point l’allure.

  4. Le roi Renard
    ————-

    « Mes braves sujets, approchez :
    Je suis le meilleur roi du monde ;
    Je suis ferme comme un rocher
    Et doux comme une bière blonde. »

    Quelques corbeaux effarouchés
    Captèrent de mauvaises ondes ;
    Ils allèrent donc se cacher
    Dans une caverne profonde.

    « Qu’importent ces oiseaux pédants,
    Ces râleurs, ces mauvais perdants !
    Qu’importe leur retraite obscure ! »

    Le roi sur son trône de fer
    Avait une pêche d’enfer,
    Tout en ne manquant pas d’allure.

Qu'est-ce que ça vous inspire ?