Arbrealettres

Poésie

Le serpent qui danse (Charles Baudelaire)

Posted by arbrealettres sur 19 novembre 2018



Le serpent qui danse

Que j’aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !

Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s’éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.

Tes yeux où rien ne se révèle
De doux ni d’amer,
Sont deux bijoux froids où se mêlent
L’or avec le fer.

A te voir marcher en cadence,
Belle d’abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d’un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d’enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s’allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau.

Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de bohème,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon cœur !

(Charles Baudelaire)

Illustration: Isadora Duncan

 

5 Réponses to “Le serpent qui danse (Charles Baudelaire)”

  1. A reblogué ceci sur musnadjia423wordpress.

  2. A reblogué ceci sur Maître Renard.

  3. Un palmier danse
    ———-

    Moi qui n’ai pas de mots pour vous ouvrir mon âme,
    Je pourchasse leur sens qui toujours m’échappa ;
    Mais mon corps dans le vent vibre comme une flamme
    Et je tiens des propos que vous n’entendez pas.

    Mes ancêtres, jadis bénis par une Dame,
    Lui donnèrent leurs fruits, ce lui fut un repas ;
    Ensuite vint à nous l’ermite zérogame,
    Lui qui dans sa magie jamais ne se trompa.

    Tous les oiseaux du ciel accompagnent ma danse,
    Leur chef de clan me dit que c’est une évidence ;
    Il veut, quant il me voit, produire de clairs sons.

    J’aime les passereaux, mais surtout l’hirondelle,
    Mon oreille apprécie sa subtile chanson,
    Son coeur, comme le mien, ne peut qu’être fidèle.

    • Serpent à sonnets
      ————————–

      Je suis l’ouroboros, un être de raison,
      Je ne parle jamais quand l’ai la bouche pleine ;
      Pour vite voyager, je roule dans la plaine,
      Moi qui m’en vais toujours sans nulle cargaison.

      Certes, je crains un peu la mauvaise saison,
      Car en ce temps le sang refroidit dans mes veines ;
      Mais d’allumer un feu je ne prends pas la peine,
      Je lis un vieux bouquin, je reste en ma maison.

      Je n’ai point le désir d’être maître du monde,
      Je cultive plutôt l’oisiveté féconde ;
      Je ne bouge pas plus qu’un soldat désarmé.

      Il n’est plus temps pour moi de braver les orages,
      Les jours ont effacé ma force et mon courage ;
      Aboli bibelot, comme dit Mallarmé.

  4. Ouroboros de novembre
    ————

    Je ne regrette point la splendeur de l’été,
    La fine pluie me semble un bienfaisant liquide ;
    La grisaille des jours a la couleur du vide
    Pour moi qui la préfère à de fortes clartés.

    L’automne est à mes yeux le temps de la beauté,
    Les feuillages sont roux, le monde est translucide ;
    Aux celliers s’élabore un breuvage limpide,
    Les ondins du marais nagent en liberté.

    Un bel oiseau picore une pomme arrondie,
    L’ours commence à gaver sa panse rebondie ;
    Le vent sur ton chemin rit de tes maux, passant.

    Un parfum de sous-bois chatouille mes narines,
    Le sang de la dryade échauffe sa poitrine ;
    Le ciel est assombri, mais n’est point menaçant.

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