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Poésie

LE RIEUR ET LES POISSONS (Jean de la Fontaine)

Posted by arbrealettres sur 9 août 2017



 

LE RIEUR ET LES POISSONS

On cherche les rieurs; et moi je les évite.
Cet art veut, sur tout autre, un suprême mérite.
Dieu ne créa que pour les sots
Les méchants diseurs de bons mots.
J’en vais peut-être en une fable
Introduire un ; peut-être aussi
Que quelqu’un trouvera que j’aurai réussi.

Un rieur était à la table
D’un financier; et n’avait en son coin
Que de petits poissons : tous les gros étaient loin.
Il prend donc les menus, puis leur parle à l’oreille,
Et puis il feint, à la pareille,
D’écouter leur réponse. On demeura surpris ;
Cela suspendit les esprits.
Le rieur alors, d’un ton sage,
Dit qu’il craignait qu’un sien ami,
Pour les grandes Indes parti,
N’eût depuis un an fait naufrage,
Il s’en informait donc à ce menu fretin ;
Mais tous lui répondaient qu’ils n’étaient pas d’un âge
A savoir au vrai son destin ;
Les gros en sauraient davantage.
 » N’en puis-je donc, Messieurs, un gros interroger ?  »
De dire si la compagnie
Prit goût à sa plaisanterie,
J’en doute, mais enfin il les sut engager
A lui servir d’un monstre assez vieux pour lui dire
Tous les noms des chercheurs de mondes inconnus
Qui n’en étaient pas revenus,
Et que, depuis cent ans, sous l’abîme avaient vus
Les anciens du vaste empire.

(Jean de la Fontaine)

Illustration: Marc Chagall

 

2 Réponses to “LE RIEUR ET LES POISSONS (Jean de la Fontaine)”

  1. Poisson presque insoluble
    —————

    Ce poisson connaît bien d’Archimède la loi,
    Ne croyez surtout pas qu’il soit analphabète ;
    Mais il ne se prend pas non plus pour un poète,
    Il n’a rien déclamé pour le concours de Blois.

    Il n’est point affamé, quand il a soif, il boit,
    Lui qui ne voudrait pas se conduire en ascète ;
    Puis il sait courtiser la sirène doucette,
    Ce n’est pas étonnant, car il n’est pas de bois.

    Tu ne pourras jamais le prendre en un filet,
    Même s’il s’en approche, intrépide qu’il est ;
    Tu verras seulement son ombre fugitive.

    Son noble coeur abrite une crainte furtive :
    Si ce robuste corps soudain se défilait ?
    Sa chair un peu soluble en serait la fautive.

  2. Poisson de combat
    ———-

    Mon coeur est pur et mon âme est virile,
    Des opprimés j’adopte le parti ;
    Je suis gardien des mondes engloutis,
    Je ne saurais faire des choses viles.

    Ma grande épée défend les plus fragiles,
    Car mon honneur leur est assujetti ;
    Les prédateurs, soit je les convertis,
    Soit je détruis leur carcasse inutile.

    C’est un devoir, ce n’est pas un fardeau,
    De mes aïeux je porte le flambeau ;
    J’hérite d’eux le meilleur et le pire.

    Or, je faiblis, j’ai vécu trop de jours,
    De cette vie je perds un peu l’amour ;
    D’autres viendront, pour servir cet Empire.

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