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Poésie

LE PETIT POISSON ET LE PÊCHEUR (Jean de la Fontaine)

Posted by arbrealettres sur 9 août 2017



 

LE PETIT POISSON ET LE PÊCHEUR

Petit poisson deviendra grand,
Pourvu que Dieu lui prête vie.
Mais le lâcher en attendant,
Je tiens pour moi que c’est folie ;
Car de le rattraper il n’est pas trop certain.

Un Carpeau qui n’était encore que fretin
Fut pris par un Pêcheur au bord d’une rivière.
« Tout fait nombre, dit l’homme en voyant son butin ;
Voilà commencement de chère et de festin :
Mettons-le en notre gibecière. »
Le pauvre Carpillon lui dit en sa manière :
« Que ferez-vous de moi ? je ne saurais fournir
Au plus qu’une demi-bouchée ;
Laissez-moi Carpe devenir :
Je serai par vous repêchée.
Quelque gros Partisan m’achètera bien cher,
Au lieu qu’il vous en faut chercher
Peut-être encor cent de ma taille
Pour faire un plat. Quel plat ? croyez-moi ; rien qui vaille.
– Rien qui vaille ? Eh bien soit, repartit le Pêcheur ;
Poisson, mon bel ami, qui faites le Prêcheur,
Vous irez dans la poêle ; et vous avez beau dire,
Dès ce soir on vous fera frire. »

Un Tien vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l’auras :
L’un est sûr, l’autre ne l’est pas.

(Jean de la Fontaine)

Illustration: Marc Chagall

 

9 Réponses to “LE PETIT POISSON ET LE PÊCHEUR (Jean de la Fontaine)”

  1. mizouila71 said

    Cela me rappelle de vieux souvenirs et si je ne me souviens pas de toute la fable, je me souviens de la morale. Ce bon vieux La Fontaine n’a pas pris une ride (pas comme nous :-)) et ses leçons sont toujours actuelles..

  2. arbrealettres said

    et qui étaient souvent encore plus anciennes puisque certaines écrites par Esope… qui peut-être lui-même avait repris de … 😉

  3. mizouila71 said

    Oui bien sûr et dans le roman de Renart écrit au moyen-âge, on retrouve aussi une variante de la fable: « Le corbeau et le renard ». Il s’agit de  » Renart et Tiécelin ».
    http://www.ralentirtravaux.com/lettres/sequences/cinquieme/renart/tiecelin.php

  4. anne35blog said

    bien cruel tout de même comme la vie…

  5. Poisson de Leskov
    ———

    J’habite un océan sans bords,
    La vague n’atteint nulle grève ;
    Les villes, je les vois en rêve,
    Avec leur église et leur port.

    En rêve, je rencontre un porc
    Qui compose des chansons brèves ;
    L’écho les répète sans trêve,
    Assourdies par le vent du Nord.

    Pour mes frères, poissons limpides,
    Le temps n’est jamais insipide ;
    La mer est un riche univers.

    Nous ne lisons dans aucun livre,
    Nous ne récitons pas de vers ;
    Car nous nous contentons de vivre.

Qu'est-ce que ça vous inspire ?