Arbrealettres

Poésie

La divine folie (Marie Dauguet)

Posted by arbrealettres sur 30 juin 2017



Illustration: Alfons Mucha
    
La divine folie

Je veux être celui qui sur sa chevelure
Attache un brin d’ortie avec la grappe mûre,
Qui danse titubant, bestial et divin
Et porte la nature entière dans son sein;
Celui qui sent frémir et couler dans ses moëlles
L’âme errante du vent, des mers et des étoiles,
Accroche à sa ceinture en un même bouquet
La ronce, le chardon, la cigüe et l’oeillet;
Qui, ne distinguant plus son regard de l’aurore,
Sent parmi les couchants sa chair qui s’évapore.
Je veux être celui qui rit dans le soleil
Et savoure le jour ainsi qu’un fruit vermeil;
Le berger ou l’outlaw dormant sur la javelle
Comme un enfant bercé aux genoux de Cybèle.
Je marcherai rêveur, épris de l’inconnu,
Aux sentiers ignorés, froissant de mon pied nu
L’herbe, le laurier rose et l’ingrate bruyère.
Debout sur les sommets, libre dans la lumière,
Mendiant triomphant, je tendrai vers l’éclair
Le geste avide de mes bras à travers l’air.

Je serai le glaneur idéal qui recueille
La rosée au matin,le rayon, le reflet
Du fleuve et s’en nourrit: le gueux dans la forêt
Elevant son palais frissonnant sous les feuilles.
Possesseur des trésors qu’on dédaigne, j’irai
Boire aux lèvres du vent quelque nectar sacré;
Frôler à l’eau qui fuit par les mousses humides
Le torse transparent des pâles néréides;
Et jouissant des odeurs, des sons, voluptueux,
Avec les sens aigus d’un sauvage et d’un dieu,
Je glisserai subtil à l’herbe où le vent joue
Et je serai le bond du dix-cors qui s’ébroue.

Etoiles qui brillez au bord du ciel serein,
Tendresse de la nuit qui monte et qui m’étreint,
Mystérieux baisers, soupirs sur le rivage
Du flot diamanté où se mire un nuage,
Fantômes devinés de blanches déités,
Accordez à mes voeux votre complicité,
Accordez à mon coeur la grâce qu’il implore,
La divine folie! Et toi, morne ellébore,
Que ton rameau flétri se dessèche infécond
Qui guérit de l’ivresse et nous rend la raison.

(Marie Dauguet)

 

 

Une Réponse to “La divine folie (Marie Dauguet)”

  1. Fleur de la grande impermanence
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    J’ai promis au jardin de fleurir chaque année,
    Cet éveil se produit toujours au même endroit ;
    Qu’importe la grisaille et qu’importe le froid,
    Qu’importe que je sois par le vent inclinée.

    Sachez que j’ai toujours béni ma destinée,
    Puisque ma vie est tout sauf un chemin de croix ;
    Mes yeux s’ouvrent la nuit, lorsque la lune croît,
    Je plonge dans un rêve avant d’être fanée.

    Je reçois aujourd’hui ma rosée de ce jour,
    Je sais que reviendra la saison de l’amour ;
    Ne me reprochez point cette vie paresseuse.

    Je ne vous parlerai ni du mal, ni du bien,
    J’écouterai du soir l’inaudible berceuse
    Sans songer, je m’en garde, à l’extinction qui vient.

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