Passée la stupeur, passée les appels au rassemblement, l’affaire de la vente du château qui a vu naître d’Artagnan à Lupiac, dans le Gers, connaît son épilogue. Les collectivités locales abandonnent leur projet face au rachat des lieux par le patron d’Auchan Retail.
Depuis plusieurs jours, le château était en effet au centre d’une vive polémique. En résumé, il était en vente depuis plusieurs années et deux candidats étaient intéressés. D’un côté les collectivités locales qui voulaient en faire un musée. De l’autre le patron d’Auchan Retail, Yves Claude, dont le rachat était d’abord présenté comme une simple volonté d’avoir un joli lieu pour sa retraite.
La lettre qui a tué dans l’œuf la tribune
Or, la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) du Gers avait donné sa préférence au second. Ce qui n’avait pas manqué d’inquiéter des élus de tous bords. Qui, après une tribune commune, avaient appelé à manifester samedi 20 janvier 2024 à Lupiac.
Une manifestation qui n’a jamais eu lieu. Et ce sont ses organisateurs eux-mêmes qui ont décidé de jeter l’éponge. « Au regard des derniers échanges et du contexte, il faut se rendre à l’évidence, le projet de muséoscénie D’artagnan et les Mousquetaires du Roi tel que nous l’avions imaginé au château de Castelmore, ne verra pas le jour », a ainsi annoncé l’association Autour de d’Artagnan.
Certains élus ne voulaient pas bousculer la Safer
Les « derniers échanges » et le « contexte », c’est d’abord la position de la Safer, que des élus ne voulaient pas remettre en cause, à l’image du président du Département, Philippe Dupouy, solidaire de ses collègues dans une tribune de défense du projet, mais soucieux de respecter les règles. « Je ne peux employer des méthodes contraires à mon éthique républicaine. La délibération de la SAFER32, certes surprenante, doit être respectée par les collectivités et leurs représentants. Aussi, je ne m’associerai à aucune pression collective sur un organisme d’appréciation des projets », écrivait ainsi l’élu il y a quelques jours.
La riposte du patron d’Auchan Retail
Mais c’est surtout une lettre. Celle du patron d’Auchan Retail envoyée à France 2 la semaine dernière. Yves Claude avait ainsi écrit à la journaliste Marie-Candice Delouvrié pour apporter un « démenti officiel » à beaucoup de choses dites et écrites sur son projet dans les médias. Il pointait de « graves erreurs » que ce soit sur son projet ou même sur lui, « ce qui devient très désagréable ».
« Lorsque l’on m’a proposé ce bien privé, à la vente depuis six ou sept ans, il semblait n’intéresser personne », expliquait ainsi Yves Claude dans son courrier à France 2. « Ayant des racines familiales aveyronnaises, je suis tombé amoureux du Gers voici 50 ans. Amoureux de la nature et de l’histoire, j’ai vu l’opportunité de redonner ses lettres de noblesse à cet endroit exceptionnel, pour que le public le redécouvre à sa juste valeur » , précisait Yves Claude. Jusqu’ici, les médias évoquaient une acquisition seulement pour y vivre à sa retraite…
« Je veux mettre en valeur l’histoire de ces lieux. L’histoire de d’Artagnan appartient aux Gersois et aux Français et ne peut appartenir à un particulier, ni à une collectivité d’ailleurs, ni servir un projet politique », poursuivait il.
Des habitants finalement convaincus
Des arguments qui ont peut-être convaincu certains élus, mais aussi des habitants à en juger par les réactions après l’annonce.
« S’il fait ce qu’il a écrit, c’est tout bon pour les finances départementales. L’union faisant la force : tous pour d’Artagnan ! », estimait ainsi Jean-Pierre Ducasse sur la page Facebook de Véronique Thieux-Louit, la maire de Lupiac.
Idem pour Pierre Painblanc. « Le nouvel acquéreur dispose des moyens nécessaires au bon entretien et à la rénovation de l’édifice et, par ailleurs, il est conscient de sa responsabilité morale à l’ouvrir au public. C’est donc tout bénéfice pour la vie et les finances locales », juge cet internaute. Comme Nine Laffargue : « Un acquéreur avec des finances personnelles… Soulagement pour les finances des Vicois… Le château ne va pas déménager mais revivre… Avec tout ce que cela implique pour l’économie locale… »
Même le patron de la Coordination rurale du Gers y est allé de son commentaire en ce sens. « Les gens de la com com ne veulent plus payer ! Trop c’est trop ! Et l’investisseur privé fera profiter du château aux gens avec un financement privé et non public ! Merci a lui », réagissait Lionel Candelon… D’autres appelaient simplement à « faire confiance » à Yves Claude.
Clap de fin
« Dommage pour notre beau département du Gers ! », a simplement écrit la maire (également vice-présidente à la communauté des communes en charge du tourisme et de l’attractivité du territoire et présidente du nouvel office du tourisme, Armagnac et d’Artagnan), pourtant partie prenante du projet des collectivités locales depuis des années. Ce qui en dit long sur le changement d’attitude une poignée de jours après avoir appelé au rassemblement.
Des excès
Il faut dire que le sujet avait échauffé les esprits sur place. « J’ai lu et entendu beaucoup de choses. De l’enthousiasme débordant, parfois à l’excès, de certains défenseurs, jusqu’à l’aigreur, teintée d’inexactitude, de quelques détracteurs du projet public. Le bien, le mal, tout a été dit », explique ainsi Barbara Neto, présidente de l’association Autour de d’Artagnan.
Un nouveau départ
Qui appelle à « refermer ce chapitre » et « ouvrir une nouvelle page ». Avant de rappeler : « Un projet d’envergure est nécessaire pour le développement économique, culturel et touristique de notre territoire ». Reste à savoir, désormais le plan de route concret du nouveau propriétaire de ce patrimoine gascon tellement symbolique.
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