Grand reporter au Monde, Ariane Chemin revient sur le mystère du drame de Montreux

Grand reporter au Monde, Ariane Chemin a consacré son dernier livre à ce fait divers. Elle est passée par Vernon (Eure) pour son enquête, commune où la famille a résidé.

Ariane Chemin est grand reporter pour le journal Le Monde. Dans son nouveau livre, « Ne réveille pas les enfants », elle revient sur le suicide collectif d'une famille en Suisse qui a vécu quelques années à Vernon avant le drame.
Ariane Chemin est grand reporter pour le journal Le Monde. Dans son nouveau livre, « Ne réveille pas les enfants », elle revient sur le suicide collectif d’une famille en Suisse qui a vécu quelques années à Vernon (Eure) avant le drame. ©DR
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Grand reporter au journal Le Monde, Ariane Chemin s’est penchée sur le quintuple suicide d’une famille française à Montreux, en mars 2022, dont plusieurs membres ont vécu à Vernon (Eure).

Elle présentera le 4 novembre à la Compagnie des Livres le livre-enquête qu’elle en a tiré, Ne réveille pas les enfants, en lice pour le Prix Médicis Essai 2023.

Qu’est-ce qui vous a décidé à enquêter sur cette affaire ?

L’affaire a été bouclée trop vite. On s’est arrêté sur une histoire de suicide collectif né d’une dérive sectaire. Ça ne me satisfaisait pas pleinement parce que j’avais repéré la figure du grand-père écrivain, Mouloud Feraoun, tué par l’OAS en 1962, et j’ai voulu ausculter cette ascendance.

Sa présence a commencé à me hanter comme elle hantait sans doute inconsciemment Nasrine, l’orthodontiste de Vernon.

Votre enquête vous a conduite à Vernon où la famille a résidé jusqu’en 2013.

Vernon, c’est un mystère et une étape vers la Suisse. J’y venais pour planter un décor, mais ma visite a été un déclic. En me rendant chez le praticien qui a repris le cabinet de Nasrine, je lève les yeux et j’aperçois des caméras de vidéosurveillance au plafond.

C’est elle qui les avait fait installer. Je me suis dit que cette mère de famille devait être un peu paranoïaque. Un psychiatre m’a expliqué que les paranoïas se transmettent de génération en génération.

Vous avez visité la maison qu’ils ont occupée à Vernon et qui est abandonnée ?

Beaucoup de rumeurs entourent cette maison. On m’avait dit qu’ils avaient fait installer des équipements luxueux, en fait c’étaient les propriétaires précédents.

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Lorsque je l’ai visitée, la maison semblait squattée. Je me suis arrêtée au rez-de-chaussée car j’entendais des bruits. Quelqu’un m’a dit que c’est une métaphore du métier de journaliste : savoir jusqu’où ne pas aller trop loin.

Nasrine, orthodontiste, a laissé un mauvais souvenir à Vernon.

Pour plusieurs raisons, mais d’abord parce que les traitements d’orthodontie sont longs, et quand on est parent et qu’on voit le dentiste disparaître en plein traitement, c’est traumatisant.

Sa pratique a fait aussi l’objet de critiques. Plusieurs de ses patients ont porté plainte. Mais si elle laisse sa clientèle en plan, c’est surtout parce que sa sœur jumelle vient d’être nommée à Genève et qu’elle ne supporte pas d’en être séparée.

On est frappé par le niveau d’études des membres de cette famille. Comment des esprits si brillants ont-ils pu sombrer dans cette paranoïa ?

Je pense qu’ils n’étaient pas rattachés à une secte mais qu’ils ont constitué une secte à eux tout seuls. Il s’agit d’une paranoïa assez étrange que Nasrine raconte dans les livres qu’elle a publiés. Elle était dans un monde parallèle et je pense que pour y faire entrer son mari, qui est X, sa sœur, interne en médecine, et ses enfants, il fallait qu’elle soit très intelligente.

Le suicide collectif semble déclenché par un élément mineur.

Le plus fascinant c’est que personne n’a émis un cri.

Finalement, votre enquête ne livre pas une vérité, mais donne au lecteur des clés pour se forger sa propre opinion.

Exactement. J’ouvre des pistes. Par exemple, les deux sœurs sont les petites filles d’un homme assassiné de manière violente et cruelle, qui dans son journal nous dit qu’il avait peur des coups à la porte, ceux de l’OAS.

Beaucoup d’indices m’ont convaincue que c’est dans le comportement de Nasrine qu’il fallait chercher la clé de cette histoire tragique. Et troublante.

Vous venez à la Compagnie des Livres samedi 4 novembre. Qu’est-ce que ça vous fait ?

Je suis hyper contente de venir à Vernon. Le Démocrate vernonnais avait fait un super article sur le sujet.

Je suis d’autant plus ravie que, parmi les gens qui vont venir, je suis sûre que certains vont me parler de Nasrine.

Ne réveille pas les enfants, d’Ariane Chemin, Éditions du Sous-sol, 18,50 €. Dédicace samedi 4 novembre à 17h30 à la Compagnie des Livres, 76, rue d’Albufera, Vernon.

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