Val-d'Oise. Denise rend hommage à son fils, le dessinateur Charb, assassiné dans l'attentat de Charlie Hebdo

Rencontre avec Denise Charbonnier, la mère meurtrie et en colère du dessinateur Charb. Elle évoque le décès de son fils dans le livre qu'elle publie aux éditions JC Lattès.

Denise Charbonnier a dû quitter son appartement des Louvrais pour pouvoir conserver toutes les affaires, des dessins, croquis et autres caricatures réalisées par son fils Stéphane dit Charb, assassiné dans l'attentat de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015.
Denise Charbonnier a dû quitter son appartement des Louvrais pour pouvoir conserver toutes les affaires, des dessins, croquis et autres caricatures réalisées par son fils Stéphane dit Charb, assassiné dans l’attentat de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. (©Jo.C. / La Gazette du Val-d’Oise / Actu.fr)
Voir mon actu

Dans son ouvrage Lettre à mon fils Charb, sorti le 21 avril aux éditions JC Lattès, Denise Charbonnier, prend la parole pour la première fois depuis la mort de son fils, le dessinateur Stéphane Charbonnier, dit Charb, assassiné dans l’attentat de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015.

« Une plaie qui ne se refermera jamais »

Un livre dans lequel l’habitante de Pontoise (Val-d’Oise) « se souvient de l’enfant qu’il fut. Du dessinateur passionné, farouchement attaché à la liberté d’expression, qui le paya de sa vie », écrit Richard Malka, l’avocat de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, qui signe la postface.

Charb fête ici ses 34 ans avec sa mère à Pontoise, en août 2001.
Charb fête ici ses 34 ans avec sa mère à Pontoise, en août 2001. (© JC Lattès)

« Le récit poignant d’une mère debout », résume-t-il, qui « ne cache pas sa colère contre les politiques, qui n’ont pas pris la mesure du danger, ni contre la protection policière qui ne fut pas à la hauteur des menaces reçues ».

À lire aussi

Dans Lettre à mon fils Charb, Denise Charbonnier, avec l’aide de Liliane Roudière, ancienne attachée de presse de Charlie Hebdo, désormais journaliste et écrivaine, raconte comment elle a vécu les jours et années qui ont suivi l’attentat jusqu’au procès qui s’est tenu de septembre à décembre 2020.

L'ouvrage recelle quelques pépites, comme cette photo familiale de Charb, ado, s'interrogeant devant le portrait nu d'une femme.
L’ouvrage recèle quelques pépites, comme cette photo familiale de Charb, ado, coiffé d’un furet, s’interrogeant devant le portrait nu d’une femme… à l’envers.

« Une plaie qui ne se refermera jamais », estime la Pontoisienne dont la colère, mot qu’elle emploie très régulièrement, l’aide à « tenir debout depuis six ans ».

« L’État les a abandonnés »

« Stéphane était menacé tous les jours depuis 2011 (lorsqu’un incendie criminel a ravagé l’ancien siège de Charlie Hebdo, NDLR), mais n’avait plus du tout de sécurité. La voiture de police qui le protégeait avait été supprimée. On les a abandonnés. Il a même dû aller lui-même à l’Élysée les prévenir que sa tête avait été mise à prix par Al-Qaïda », confie Denise Charbonnier.

« Il nous a montré l’affiche en question avec les « têtes à abattre », où il figurait au coté de l’écrivain Salman Rushdie, auteur des « Versets sataniques » et il répétait souvent : « ma tête ne vaut rien ». Or, s’il n’en parlait jamais, il craignait qu’on vienne le tuer, jusque chez lui. On a même retrouvé un couteau caché sous son lit. Il s’entraînait même dans un stand de tir, et il était très bon, mais sa demande de port d’arme lui a été refusée », se souvient-elle.

Vidéos : en ce moment sur Actu

« Ils savent, ils peuvent, mais ils ne font pas », répétait le directeur de Charlie Hebdo à ses proches.

« Victime des fous furieux et notre négligence »

Dans le livre, qui a nécessité près d’une année de travail, on redécouvre aussi Stéphane Charbonnier, l’enfant de Pontoise drôle, intelligent, sensible et cultivé, jamais à court de blague. « Il avait des amis proches qui pratiquaient toutes sortes de religions, mais il n’a jamais critiqué ces dernières. Au contraire, il était très engagé pour différentes causes et associations, nous ne l’avons appris qu’après son décès », glisse Denise Charbonnier.

La mort de Charb, Denise Charbonnier l’a apprise à la radio, puis à la télé. « Nous étions atterrés avant de hurler de douleur comme des animaux blessés », se souvient-elle. Et lorsque, plus tard, le président François Hollande lui a dit « votre fils est un héros », la Pontoisienne lui répond : « merci, mais non : il est une victime de fous furieux et de la négligence de l’État ».

La dernière photo de Charb prise par sa famille, le 25 décembre 2014.
La dernière photo de Charb prise par sa famille, le 25 décembre 2014. « Il était un vrai spécialiste de la découpe du gâteau pavlova », se souvient sa mère. (©JC Lattès)

Et lorsqu’elle a demandé à l’ancien président de la République « comment les terroristes avaient pu rentrer aussi facilement dans les locaux du journal satirique », la réponse ne la satisfait pas davantage. « Il m’a répondu que même avec une protection judiciaire renforcée, ça n’aurait pas changé grand-chose. Cette phrase ne passe toujours pas. »

Un « livre d’histoire » et des œuvres locales

Dans ce « livre de sidération et un peu un livre d’histoire, de notre histoire sociale de France », dixit Philippe Houillon, l’ex-maire (LR) de Pontoise, on trouve aussi beaucoup de dessins, croquis et caricatures réalisées par Charb, notamment sur ses classeurs et cahiers scolaires, à Pontoise.

Les cahiers de l'élève pontoisien Stéphane Charbonnier sont évocateurs quant à ses intérêts.
Les cahiers de l’élève pontoisien Stéphane Charbonnier sont évocateurs quant à ses intérêts. (©JC Lattès)

« Des œuvres nées « principalement pendant ses cours de maths et de sciences », sourit Denise. « Il dessinait tellement. J’en ai des tonnes. »

Après avoir vécu durant 36 ans aux Louvrais, place de la Paix, elle et son mari ont même dû déménager pour pouvoir stocker toutes les affaires de Charb, qu’ils ont récupéré.

Sorti le 21 avril, l’ouvrage est vendu au prix de 12,99 € en format numérique et 18 € en format papier. Plus d’infos sur le site : www.editions-jclattes.fr/

Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.

Dernières actualités

La Gazette du Val d'Oise

Voir plus
Le Journal mercredi 8 mai 2024 Lire le journal
La Gazette du Val d'Oise, Une du mercredi 8 mai 2024