Dinan : les lettres d'un soldat fusillé en 1871 offertes à la bibliothèque

Christine et Pascal Destouches et la Société des Amis du Musée et de la Bibliothèqueont fait un don de 44 documents dont 37 lettres du sergent Gombault à la bibliothèque.

Pascal Destouches, le généreux donateur a retracé la vie de son aïeul.Photo 3Christine et Pascal Destouches lors de la remise des documents du Sergent Gombault au maire, qui lui-même les remettra à la bibliothèque.
Christine et Pascal Destouches lors de la remise des documents du Sergent Gombault au maire, qui lui-même les remettra à la bibliothèque. En arrière plan, un tableau qui représente le sergent Gombault.(©Le Petit Bleu des Côtes d’Armor)
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« Ingolstadt, le 9 janvier 1871. 4 heures du soir. Bien chers parents. Lorsque vous recevrez cette dernière lettre, depuis longtemps déjà je n'existerai plus. Condamné par le jugement des hommes je vais paraître devant la justice de Dieu. Je vais aller revoir mon pauvre filleul et frère Alexandre. Consolez-vous, chers parents, je meurs content, j'offre ma vie pour ma patrie qui a subi tant de malheurs dans cette funeste campagne. Adieu chers parents, je vous devance, voilà tout, veuillez prévenir mon oncle de Languenan ainsi que tous les parents et amis. Votre fils dévoué mort pour sa patrie. »

Telle est la dernière missive écrite par Charles Gombault.

Moment historique

Il y a 150 ans, le 9 janvier 1871, un Dinannais, le sergent Gombault, était fusillé par les Allemands dans un camp de prisonniers en Bavière.

Les Dinannais d’aujourd’hui connaissent la rue qui porte son nom et quelques-uns, le tableau qui orne la salle d’honneur de la mairie.

Samedi après-midi, un siècle et demi plus tard, à l’heure près, Pascal Destouches, membre de la SABM, dont l’arrière grand-oncle n’était autre que le sergent Gombault, a fait don des documents en sa possession à la bibliothèque municipale, de celui qualifié de « personnage important de notre ville » par le maire de Dinan (Côtes d’Armor), Didier Lechien.

Ce don est composé de 37 lettres, datées de 1870 à 1893, dont 13 écrites par le sergent Gombault pendant sa captivité, et donc en particulier sa dernière lettre à ses parents rédigée une heure avant son exécution.

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Au cours d’une cérémonie à huis clos, contraintes sanitaires obligent. Francis Cauwel, secrétaire de la SBAM, indique :

« Nous qui pensions inviter les habitants de la rue Sergent Gombault, en cette période, nous avons dû revoir nos souhaits. »

Ce moment se voulait cependant historique et tout à la fois musical. En effet, Loïc-René Vilbert, président de la société des amis de la bibliothèque municipale a mis en onde une pièce d’Henri Kowalski, Les cuirassiers de Reichshoffen, enregistrée exceptionnellement et gracieusement par le pianiste François Dumont. Ce morceau avait été joué pour la dernière fois au Casino de Dinan en 1871. Le fichier informatique sera désormais propriété de la bibliothèque.

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Puis Gilles Bourrien, professeur d’histoire au lycée de La Fontaine des Eaux a remis en perspective la guerre de 1870. Le donateur a alors retracé la vie de Charles Gombault  

L'histoire du Sergent Gombault

Sous le tableau de Moreau de Tours qui représente l’exécution du sergent Gombault dans les fossés de la citadelle d’Ingolstadt et qui orne la salle d’honneur de la mairie, l’arrière-petit-neveu, s’est souvenu.
« Charles Jules Marie Gombault est né le 27 novembre 1848, rue de l’Horloge à Dinan. Il est le 6e d’une fratrie de 12 enfants. Son père est peintre vitrier, sa mère couturière, marchande. À l’issue de ses études, il s’engage dans l’armée, le 17 décembre 1866, à 18 ans.
D’abord affecté au 76e de ligne, il rejoint les Tirailleurs algériens (les Turcos) le 9 avril 1870. Il est nommé sergent le 21 avril 1870. La déclaration de guerre, le 19 juillet 1870, le surprend en Algérie, à Mostaganem. Les troupes d’Afrique sont rapidement rapatriées et intégrées à l’armée du Maréchal Mac Mahon, qui est battue le 6 août 1870 à Frœschwiller (ou Reichshoffen), malgré une magnifique résistance des troupes d’Afrique.
Au soir du 6 août 1870, Charles Gombault est fait prisonnier par les Bavarois, et est emmené à Ingolstadt, en Bavière, à 80 km au nord de Munich. Il tente une première évasion le 17 septembre, un mois après son arrivée à Ingolstadt. Pendant 6 jours et 6 nuits, il parcourt 100 km en direction de la frontière autrichienne, avec deux camarades d’évasion. Il est finalement repris à 25 km de la frontière autrichienne, et placé pendant un mois à la Compagnie de discipline.
Le 18 octobre 1870, il se fait photographier à Ingolstadt et c’est la seule photo que nous ayons de lui.
Le 20 décembre 1870, il tente une deuxième évasion, est repris immédiatement et placé en Compagnie de discipline. Le 9 janvier au matin, lors d’une sortie très encadrée des disciplinaires dans la cour du camp de prisonniers, il commet l’erreur de vouloir parler à un camarade, de l’autre côté du cordon de ses gardiens, et est alors violemment repoussé par les sentinelles bavaroises, il s’ensuit une discussion animée, ponctuée de coups de crosse et de coups de pied.
Déféré devant la cour martiale, Charles Gombault est condamné à mort sans avoir pu se défendre. On lui laisse le temps d’écrire une dernière lettre à ses parents, il est alors 16 h. Une heure plus tard, il est fusillé dans les douves de la citadelle. »
C’est 20 ans après, en 1891-92, que Georges Moreau de Tours peint son tableau Vive la France. Acheté par la ville, il arrivera à Dinan le 22 juillet 1892. Un tableau très convoité, puisque le maire, Didier Lechien, avouera : « À l’occasion de l’exposition universelle de 1900, Moreau de Tours a souhaité reprendre son tableau pour l’exposer, mais la mairie avait refusé. Durant la deuxième guerre mondiale, le tableau a été mis à l’abri afin qu’il ne tombe pas aux mains des Allemands. »

Nul doute que dorénavant les documents donnés à la bibliothèque sont entre de bonnes mains et qu’ils constituent un témoignage ô combien émouvant d’une page tragique de l’histoire.

Xavier Bizot (CLP)

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