Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Gilles Kraemer (déplacement personnel à Dijon)

Far viaggiare il visitatore nella Napoli del XVII. secolo, centro artistico fra i più importanti d’Europa. Naples et sa peinture du Seicento, unique objet des sentiments du collectionneur Giuseppe De Vito. De Giovanni Battista Caracciolo, dit Battistello à Giuseppe Ruoppolo, 40 peintures, sur les 64 réunies par l’ingénieur et historien de l’art Giuseppe De Vito (Portici, 1924 - 2015 Florence), sont présentées au musée Magnin. Capolavori di un amante dell’arte. Cette collection exclusivement dédiée à la peinture de la cité parthénopéene est accueillie dans un musée de collectionneurs, celui de Maurice et Jeanne Magnin, comme le souligne Pierre Rosenberg dans la préface du catalogue accompagnant cette exposition.

Massimo Stanzione (vers 1585-Naples, 1656), Saint Jean Baptiste dans le désert, ca 1630. Huile sur toile. 180 x 151,5 cm.. Signé sur le rocher en bas au centre : EQUES MASS. / F  //  Giovanni Battista Caracciolo, detto Battistello, San Giovanni Battista fanciullo, 1622 ca.. Olio su tela. 62,5 x 50 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

A Magnin, la scénographie de Jean-Paul Camargo A&D met sobrement en lumière dans son  parcours thématique des personnalités éminentes de la Naples du XVIIe siècle, l’un des foyers les plus importants d'Europe, un temps de création particulièrement dense et foisonnant. Dans cette sélection présentée pour la première fois en France, précise Sophie Harent, l’un des co-commissaires avec Bruno Ely et Giancarlo Lo Schiavo, apparaît une collection construite de réflexions et d’interrogations, pour ce Napolitain de cœur ; De Vito achetait pour étudier, étudiait pour acheter. Nullement de la spéculation pour cet historien de l’art, prenant ses décisions d’achat sur la base de ses propres intuitions ou de ses connaissances souligne Arnauld Brejon de Lavergnée dans le portrait qu’il donne de ce "collectionneur singulier".

Qu’était Naples à cette époque, cette ville rattachée au royaume d’Espagne et gouvernée par un vice-roi collectionneur. Une ville très fervente, aux 500 églises et 150 couvents. Une cité dans l’effervescence et le bouillonnement, entre grand port méditerranéen et Vésuve, entre commerce et Janvier, son saint protecteur.

Giovanni Battista Caracciolo, detto Battistello, San Giovanni Battista fanciullo, 1622 ca.. Olio su tela. 62,5 x 50 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

Décembre 1631, l’éruption du Vésuve se prolongeant pendant 17 jours, fait plus de 4 000 victimes ; la ville est épargnée par l’intercession de Janvier. Révolte de Masaniello, de juillet 1647 à avril 1648, née d’une imposition excessive sur les produits frais ; elle est écrasée par les troupes de Don Juan d’Autriche envoyées par l’Espagne. L’épidémie de peste de février à août 1656 laissera 200 000 morts sur les 400 000 habitants ; là aussi Janvier/Gennaro intercèdera. C’est avec la représentation de Décollation de saint Janvier et de celle de ses compagnons par Carlo Coppola (1645-1650) que débute cette représentation de ce vice-royaume, entre ferveurs et tourments, un saint que chaque Napolitain porte dans son sang. L’héritage du Caravage, qui séjourne dans cette ville en 1606-1607 puis en 1609-1610, est très présent chez Massimo Stazione [il mourra de la peste] avec Saint Jean Basptiste dans le désert (ca 1630), très jeune, au visage apaisé, à côté d’un autre Baptiste (ca 1622) de Battistello, face à Saint Antoine de Jusepe de Ribera, au visage émergeant de l’ombre.  

Francesco Fracanzano (1612-1656), Homme avec un cartouche (Héraclite ?), vers 1640-1645. Huile sur toile. 151 x 126 cm.  //  Paolo Finoglio (1590-1645), Le Mariage mystique de sainte Catherine, ca 1635. Huile sur toile. 90 x 119 cm. //  Giovanni Ricca (1603-1656 ?), Le Martyre de sainte Ursule, ca 1634-1636. Huile sur toile. 123 x 155 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

Massimo Stanzione (vers 1585-1656) et atelier, Judith tenant la tête d’Holopherne, ca 1645. Huile sur toile. 107 x 87 cm.  //  Massimo Stanzione (vers 1585-1656) et atelier, Salomé portant la tête de saint Jean Baptisteca 1645. Huile sur toile. 108 x 87,5 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

Bernardo Cavallino (1616-1656), La Mort de saint Joseph, ca 1640. Huile sur toile. 113 x 92 cm.. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

La peinture est entre naturalisme de Ribera et clacissime importé, dans ces adoucissements des contours, cette lumière posée, ces scènes plus intimes. De ces sept peintures présentées dans cette section émerge la Mort de saint Joseph (ca 1640) de Bernardo Cavallino [emporté par la peste] avec son ange dont l’aile étincellante comme la lame d’un couteau tranche l’obscurité. Giovanni Ricca laisse une scène très naturaliste du Martyre de sainte Ursule (1634-1636), au visage apaisé, comme endormie. Autre tableau religieux, autre tableau de dévotion intime, celui du Mariage mystique de sainte Catherine de Paolo Finoglio (ca 1635), dans l’influence d’Artemisia Gentileschi installée dans cette ville en 1630, une scène presque familiale, dans le jeu des lumières réunissant les trois figures. Deux scènes de décapitations masculines voulues par des femmes dont la conclusion apaisée est donnée, sans les giclures du sang, celles de Judith tenant la tête d’Holopherme et de Salomé portant la tête de saint Jean Baptiste de Massimo Stanzione (ca 1645), des demi-figures dans leur élégance, la somptuosité de leurs vêtements, des femmes fatales d’une séduisante beauté.

Maître de l’Annonce aux bergers (actif entre 1625 et 1650), Homme méditant devant un miroirvers 1640. Huile sur toile. 99 x 75 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

Quatre toiles transportent dans l’univers de l’intrigant et insaisissable Maître de l’Annonce aux bergers, une énigme de l’histoire de l’art, nom de convention dans l’intrication des noms de Bartolomeo Passante – attributaire d’une partie importante du corpus -, Pietro Beato et du valencien Juan Dò. Une identification qui passionna Giuseppe De Vito qui avait rassemblé ces huiles des années 1635-1645, un ensemble significatif de cet artiste anonyme. Figure juvénile humant une fleur étonne par l’intensité du regard tourné vers nous dans une légère expression de surprise, dans ce personnage - homme ? femme ? - la main gauche dans la poche, œuvre renvoyant à l’allégorie de l’Odorat. Le naturalisme de Rébecca et Éliézer au puits. Vieil homme méditant sur un parchemin. Réflexion sur l’introspection de l’Homme méditant devant un miroir dans la contradiction des yeux apparaissent fermés alors qu’ils sont mi-clos.

Bernardo Cavallino (1616-1656), Sainte Lucie, ca 1645-1648. Huile sur toile. 129,5 x 103 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

Naples est au cœur des influences des Flamands, des néo-Vénitiens, de Guido Reni, d’Artemisia Gentileschi. Andrea Vacaro et Sainte Agathe (ca 1640). Pacecco De Rosa et le regard débordant du sentiment religieux de sa Sainte Marie Madeleine (16648-1650). Francesco Fracanzano et Loth et ses filles (ca 1652), cadrage frontal d’un sujet licencieux inspirant la réflexion. Antonio De Bellis et Christ et la Samaritaine (ca 1645), ultime acquisition de De Vito, peinture d’autel dans la période de la Contre-réforme. Bernardo Cavallino, Sainte Lucie (ca 1645-1648), dans une influence de Gênes et des séjours de Rubens dans cette ville entre 1600 et 1607 [Rubens a Genova, Palazzo Ducale, 06 octobre 2022 - 05 février 2023, commissariat de Nils Büttner et Anna Orlando], dans la subtilité du traitement de la draperie rouge, le vert soyeux de sa robe, dans un regard vers Simon Vouet qui séjourne en 1626 à Naples [Simon Vouet, les années italiennes (1613-1627), Nantes, Musée des Beaux-arts, 21 novembre 2008 - 23 février 2009].

Figure incontournable d’Aniello Falcone, élève de Ribera, dans ses Scènes de batailles. Micco Spadaro [tirant son surnom de son père armurier, spada, épée] et son Cortège de Bacchus (ca 1650) respirant son influence de la Bacchanale des Andrians du Titien visible à Naples entre 1633 et 1637.

Mattia Preti (1613-1699), La Déposition du Christ, ca 1675. Huile sur toile. 179 x 128 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

La tentation du baroque étincelle avec trois toiles de Mattia Preti et de Luca Giordano [ou Luca fa presto dans sa sprezzatura ou capacité à dissimuler l’effort]. De Luca, trois toiles des débuts de l'artiste en devenir, scrutant ses prédécesseurs. Tête de saint Jean Baptiste posée sur un plateau (ca 1657-1660), panneau de racine de noyer, regard vers Ribera mais sans retranscription servile. Scène d’auberge d’après un tableau d’Adrian Van Ostade (ca 1658-1660). De Preti, Déposition du Christ (ca 1675) est illumination de sa période maltaise, les quarante dernières années de sa vie se déroulant à Malte [il meurt à La Valette en 1699] où il s’établit en 1661. Le fils de Dieu, la main droite encore cloutée sur la Croix, Jean les yeux écarquillés et embués, la lumière sur le crâne de Joseph d’Arimathie soutenant le glissement du corps du Sauveur du monde. Cette vue d’en dessous, de sotto in sù dans le dramatique de cet instant. Une peinture nous frappant de stupéfaction, propice au syndrome stendhalien face à une telle pratique.

Giuseppe Ruoppolo (1630 ?-1710), Nature morte aux fruits, aux citrouilles, au perroquet, à la tortue et à la soupière en faïence, 1670-1680. Huile sur toile. 99 x 127,5 cm. © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

L’exposition se clôt avec le triomphe de la nature morte, cette ville étant l’un des foyers novateurs dans ce domaine pictural. Le Vase de fleurs historié, avec des roses et des iris de Luca Forte (1649), historié de L’Enlèvement des Sabines ; la composition de ce tableau fut-elle élaborée pour un commanditaire illustre émet Nadia Bastogi dans la notice accompagnant cette toile monumentale ? Par sa Nature morte à la langue de bœuf, au chou et à la perdrix, le naturaliste Giuseppe Recco prouve, en 1658, que le quotidien a le droit de gagner les murs d’un palais comme la Nature morte aux poissons, à la raie (ca 1650) de son frère Giovanni Battista Recco. Terminons, ce parcours, d’une Naples éblouissante, avec la profusion, l’immense dextérité de Giovanni Battista Ruoppolo et de Giuseppe Ruoppolo (1670-1680) dans leurs natures mortes mêlant joyeusement fruits et légumes à des coquilles Saint-Jacques ou une tortue.

La collezione De Vito, una eccezionale e bellissima collezione esposta meravigliosamente a Dijone prima d’Aix-en-Provence. Napoli, unico oggetto di miei sentimenti, quelli del collezionista Giuseppe De Vito per la pittura napoletana del Seicento.

Musée Magnin © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

Napoli per passione. Capolavori della collezione De Vito  //  Naples pour passion. Chefs-d’œuvre de la collection De Vito

29 mars au 25 juin 2023 - Musée Magnin, Dijon

15 juillet au 29 octobre 2023 - Musée Granet, Aix-en-Provence

https://musee-magnin.fr/

Commissariat général : Bruno Ely, conservateur en chef, directeur du musée Granet, Sophie Harent, conservateur en chef, directeur du musée Magnin, Giancarlo Lo Schiavo, président de la Fondazione Giuseppe e Margaret De Vito per la Storia dell’Arte moderna a Napoli  //  Commissariat scientifique : Nadia Bastogi, directrice scientifique de la Fondazione De Vito, Paméla Grimaud, conservateur au musée Granet, Sophie Harent.

Scénographie Jean-Paul Camargo.

Sophie Harent © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

Catalogue sous la direction de Nadia Bastogi & de Sophie Harent. 160 pages. Longues notices de toutes les œuvres présentées, bibliographie et index. Éditions RMN. Prix 30 € (service de presse).  //  Livre-jeu pour les 7-11 ans & Livret de visite.

Jusqu'au 25 juin 2023, accrochage Voyage à Naples, présentant les œuvres napolitaines de Magnin  - toiles de Luca Giordano, Nicola Maria Rossi, Giacomo del Po, Sebastiano Conca ou Gaspare Traversi, des dessins de Belisario Corenzio, G.B. Spinelli ou Francesco De Mura - ainsi que des récits de voyageurs français du XVIIe et XVIIIe siècles, prêts de la Bibliothèque municipale de Dijon.

Frédérique Goerig-Hergott, directrice des musées de Dijon, Sophie Harent & Marc Desgrandchamps devant le Maître de l’Annonce aux bergers (actif entre 1625 et 1650), Figure juvénile humant une rose, vers 1635-1640  © Le Curieux des arts Gilles Kraemer, Dijon, 2023.

En parallèle à Silhouettes, exposition consacrée à Marc Desgrandchamps au musée des Beaux-Arts de Dijon, commissariat de Frédérique Goerig-Hergot, Pauline Nobécourt,  assistées de Virginie Barthélemy (12 mai au 28 août 2023), le musée Magnin propose Dia-logues exclusivement réservée aux estampes de cet artiste. Un ensemble de 36 lithographies et de monotypes tirés dans l’atelier de Michael Woolworth ainsi qu'un livre d'artiste sont présentés dans le parcours de la collection permanente. Du 12 mai au 24 septembre 2023.

http://www.lecurieuxdesarts.fr/2023/06/marc-desgrandchamps-la-peinture-en-recolement-d-images-musee-des-beaux-arts-de-dijon.html

Les estampes de Marc Desgrandchamps dans le parcours du musée Magnin © remerciements à Michael Woolworth,  2023.

Les estampes de Marc Desgrandchamps dans le parcours du musée Magnin © remerciements à Michael Woolworth, 2023.

Trésors de la peinture flamande et italienne de retour à Naples. Tesori di pittura fiamminga e italiniana di ritorno a Napoli. La collezione di un principe - 8 décembre 2018 - 7 avril 2019 - Gallerie d'Italia - Palazzo Zevallos Stigliano  http://www.lecurieuxdesarts.fr/2019/03/tresors-de-la-peinture-flamande-et-italienne-de-retour-a-naples-tesori-di-pittura-fiamminga-e-italiniana-di-ritorno-a-napoli-la-coll

Relecture du catalogue de l’exposition L’âge d’or de la peinture à Naples, de Ribera à Giordano. Sous la direction de Michel Hilaire & de Nicola Spinosa. 86 numéros. Musée Fabre, été 2015.

 

 

Tag(s) : #Entretien à 210 km-h, #Expositions France, #Italie, #Naples, #Venise
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :