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Ce blog pédagogique d'histoire-géographie et d'éducation morale et civique (E.M.C.) tire son nom d'un terme issu du parler gaga (le parler stéphanois) ; le cafuron (window in english !) est une lucarne ou un oeil de boeuf éclairant un réduit. Ce blog s'adresse tout autant aux élèves du lycée Jacob Holtzer (Firminy- Loire) qu'à un public plus large. Bonne visite !

18 Apr

Proclamation de Victor-Emmanuel aux habitants de la Savoie et de Nice, 1er avril 1860

Publié par Louis BRUN  - Catégories :  #première

En analysant le document, vous montrerez le rôle de la France dans la construction de l’État italien.

 

L’analyse des documents constitue le cœur de votre travail, mais nécessite pour être menée la mobilisation de vos connaissances.

 

Document : proclamation de Victor-Emmanuel aux habitants de la Savoie et de Nice, 1er avril 1860

 

Aux habitants de la Savoie et de Nice

Un traité conclu le 24 mars 1860 établit que la réunion de la Savoie et de Nice à la France aura lieu avec l’adhésion des populations et sanction du Parlement.

Quelque pénible qu’il me soit de me séparer des Provinces qui ont fait si longtemps partie des États de mes Ancêtres, et auxquelles tant de souvenirs me rattachent, j’ai dû considérer que les changements territoriaux, amenés par la guerre en Italie, justifiaient la demande que mon auguste allié l’Empereur Napoléon m’a adressée pour obtenir cette réunion. J’ai dû en outre tenir compte des services immenses que la France a rendus à l’Italie, des sacrifices qu’elle a faits dans l’intérêt de son indépendance, des liens que les traités ont formés entre les deux pays. Je ne pouvais méconnaître d’ailleurs que le développement du commerce, la rapidité et la facilité des communications augmentent chaque jour davantage l’importance et le nombre des rapports de la Savoie et de Nice avec la France. Je n’ai pu oublier enfin que les grandes affinités de race, de langage et de mœurs rendent ces rapports de plus en plus intimes et naturels.

Toutefois ce grand changement dans le sort de ces provinces ne saurait vous être imposé. Il doit être le résultat de votre libre consentement. Telle est ma ferme volonté : telle est aussi l’intention de l’Empereur des Français. Pour que rien ne puisse gêner la libre manifestation de vos vœux, je rappelle ceux parmi les principaux fonctionnaires de l’ordre administratif qui n’appartiennent pas à votre pays et je les remplace momentanément par plusieurs de vos concitoyens entourés de l’estime et de la considération générale.

Dans ces circonstances solennelles, vous vous montrerez dignes de la réputation que vous avez acquise. Si vous devrez suivre d’autres destinées, faites-en sorte que les Français vous accueillent comme des frères qu’on a depuis longtemps appris à apprécier et à estimer. Faites que votre réunion à la France soit un lien de plus entre nos deux nations dont la mission est de travailler de concert au développement de la civilisation.

 

Turin, 1er  avril 1860

Victor-Emmanuel

 

Source : consultée aux Archives départementales de la Savoie

Pistes de correction

 

Les étapes 1 à 6 se font au brouillon et/ou sur le document lui-même

 

Etape 1. Je m’assure de bien comprendre les attendus de l’exercice : analyse de document

 

Etape 2. Je lis le sujet et je le délimite.

 

Le sujet nous invite à montrer comment la France à participer à la formation de l’unité italienne ; cette action s’est faite essentiellement entre 1858 et 1861 pendant le Second Empire (la seconde phase de la formation de l’unité italienne s’est faite sans la France  [la question de Rome paralysant l’action de Napoléon III]). Elle a pris la forme d’une alliance entre La France de Napoléon III et le royaume de Piémont Sardaigne de Victor Emmanuel II.

 

Etape 3. Je prends connaissance du document – je repère les éléments de paratexte, je le lis, j’en dégage les idées clés.

 

Document : proclamation de Victor-Emmanuel aux habitants de la Savoie et de Nice, 1er avril 1860

 

Titre du document nous informant sur la nature du document (proclamation : déclaration officielle destinée à être affichée ou lue), sur l’auteur (Victor-Emmanuel II, roi de Piémont Sardaigne, - royaume situé au Nord de l’Italie qui comprend le Piémont, la Ligurie, la Sardaigne, la Savoie et Nice, il a succédé à son père, Charles Albert), les destinataires (les habitants de la Savoie et de Nice, deux provinces du royaume), la date.

Aux habitants de la Savoie et de Nice

Rappel des destinataires.

Un traité conclu le 24 mars 1860 établit que la réunion de la Savoie et de Nice à la France aura lieu avec l’adhésion des populations et sanction du Parlement.

 

Rappel du contexte conduisant au plébiscite et ses enjeux

Quelque pénible qu’il me soit de me séparer des Provinces qui ont fait si longtemps partie des États de mes Ancêtres, et auxquelles tant de souvenirs me rattachent, j’ai dû considérer que les changements territoriaux, amenés par la guerre en Italie, justifiaient la demande que mon auguste allié l’Empereur Napoléon m’a adressée pour obtenir cette réunion. J’ai dû en outre tenir compte des services immenses que la France a rendus à l’Italie, des sacrifices qu’elle a faits dans l’intérêt de son indépendance, des liens que les traités ont formés entre les deux pays. Je ne pouvais méconnaître d’ailleurs que le développement du commerce, la rapidité et la facilité des communications augmentent chaque jour davantage l’importance et le nombre des rapports de la Savoie et de Nice avec la France. Je n’ai pu oublier enfin que les grandes affinités de race, de langage et de mœurs rendent ces rapports de plus en plus intimes et naturels.

Série d’arguments développés par l’auteur justifiant le rattachement de Nice et de la Savoie à la France (géopolitiques, diplomatiques, économiques, culturels).

Toutefois ce grand changement dans le sort de ces provinces ne saurait vous être imposé. Il doit être le résultat de votre libre consentement. Telle est ma ferme volonté : telle est aussi l’intention de l’Empereur des Français. Pour que rien ne puisse gêner la libre manifestation de vos vœux, je rappelle ceux parmi les principaux fonctionnaires de l’ordre administratif qui n’appartiennent pas à votre pays et je les remplace momentanément par plusieurs de vos concitoyens entourés de l’estime et de la considération générale.

Justification de la démarche (qui prend le contrepied du Congrès de Vienne de 1815) : respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Dans ces circonstances solennelles, vous vous montrerez dignes de la réputation que vous avez acquise. Si vous devrez suivre d’autres destinées, faites-en sorte que les Français vous accueillent comme des frères qu’on a depuis longtemps appris à apprécier et à estimer. Faites que votre réunion à la France soit un lien de plus entre nos deux nations dont la mission est de travailler de concert au développement de la civilisation.

Appel à voter en faveur du rattachement à la France (argument sentimental et patriotique).

Turin, 1er  avril 1860

Victor-Emmanuel

Lieu où a été rédigée la proclamation (Turin, capitale du royaume de Piémont Sardaigne) – date – à cette date, le royaume de Piémont Sardaigne a conquis la Lombardie et de nombreux Etats d’Italie centrale se sont soulevés dans l'espoir d'une unification. L’Italie n’existe pas encore et est divisée en une multitude d’Etats- auteur

Source : consultée aux Archives départementales de la Savoie

Lieu de conservation du document

 

Etape 4. Je relis la consigne pour m’assurer de bien avoir compris ce qui m’est demandé

 

Etape 5. Je repère et prélève les informations issues du document – Je les mets en relation avec mes connaissances.

 

Document : proclamation de Victor-Emmanuel aux habitants de la Savoie et de Nice, 1er avril 1860

 

Aux habitants de la Savoie et de Nice

Un traité conclu le 24 mars 1860 établit que la réunion de la Savoie et de Nice à la France aura lieu avec l’adhésion des populations et sanction du Parlement (allusion au traité de Turin qui scelle l’alliance entre la France et le Piémont-Sardaigne et qui prévoit l’organisation du plébiscite et le rattachement des provinces de Nice et de la Savoie à la France – contrepartie de l’aide apportée par la France de Napoléon III dans le projet d’unité mené par Victor-Emmanuel II).

Quelque pénible qu’il me soit de me séparer des Provinces qui ont fait si longtemps partie des États de mes Ancêtres, et auxquelles tant de souvenirs me rattachent, j’ai dû considérer que les changements territoriaux, amenés par la guerre en Italie (allusion à la guerre  menée avec le soutien de la France contre l’empire d’Autriche d’avril à juillet 1859 et qui permettra de remporter la Lombardie sans la Vénétie), justifiaient la demande que mon auguste allié l’Empereur Napoléon m’a adressée pour obtenir cette réunion (la stratégie de Victor Emmanuel II pour faire l’unité de l’Italie passe par la recherche d’alliés puissants en Europe – la voie révolutionnaire n’a pas fonctionné  – écrasement  du printemps des peules et la guerre menée par Charles-Albert contre l’empire d’Autriche, sans soutien extérieur a été un échec). J’ai dû en outre tenir compte des services immenses que la France a rendus à l’Italie, des sacrifices qu’elle a faits dans l’intérêt de son indépendance, des liens que les traités ont formés entre les deux pays (Napoléon III est un ancien carbonaro et est sensible à la cause des nationalités ; si l’auteur évoque « les sacrifices » de la France [les pertes humaines], on  peut aussi être critique car cette guerre est une excellente affaire pour la France : Napoléon III agrandit le territoire national, renforce son autorité sur son peuple et accroit sa place en Europe, tout en mettant à mal l’Europe voulue par les vainqueurs de son oncle – Le rapprochement avec la France débute en juillet 1858 lors de l’entrevue de Plombières, l’accord au départ secret prévoyait déjà la rétrocession de Nice et de la Savoie). Je ne pouvais méconnaître d’ailleurs que le développement du commerce, la rapidité et la facilité des communications augmentent chaque jour davantage l’importance et le nombre des rapports de la Savoie et de Nice avec la France (on peut voir ici une allusion à la situation géographique de ces deux territoires, au-delà des Alpes – c’est le mythe de la frontière naturelle -  on peut aussi y voir un effet de la politique libérale de Napoléon III). Je n’ai pu oublier enfin que les grandes affinités de race, de langage et de mœurs rendent ces rapports de plus en plus intimes et naturels (argument culturel permettant de dire que les Savoyards et Niçois sont plus Français que Piémontais, voir italiens – allusion à l’identité culturelle du peuple).

Toutefois ce grand changement dans le sort de ces provinces ne saurait vous être imposé. Il doit être le résultat de votre libre consentement. Telle est ma ferme volonté : telle est aussi l’intention de l’Empereur des Français (allusion au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes/contrepied de la stratégie du Congrès de Vienne et permettant de justifier les conquêtes à venir). Pour que rien ne puisse gêner la libre manifestation de vos vœux, je rappelle ceux parmi les principaux fonctionnaires de l’ordre administratif qui n’appartiennent pas à votre pays et je les remplace momentanément par plusieurs de vos concitoyens entourés de l’estime et de la considération générale.

Dans ces circonstances solennelles, vous vous montrerez dignes de la réputation que vous avez acquise. Si vous devrez suivre d’autres destinées, faites-en sorte que les Français vous accueillent comme des frères qu’on a depuis longtemps appris à apprécier et à estimer (Napoléon Ier avait créé un embryon de royaume d’Italie– allusion au rapprochement avec la France depuis Plombières). Faites que votre réunion à la France soit un lien de plus entre nos deux nations dont la mission est de travailler de concert au développement de la civilisation.

 

Turin, 1er  avril 1860

Victor-Emmanuel

 

Source : consultée aux Archives départementales de la Savoie

 

 

Etape 6. Je fais un plan rapide

 

Introduction présentant le document et s’achevant par le rappel du sujet

 

Partie 1. Une unité qui se fait sous l’égide du Piémont-Sardaigne et avec le soutien de la France

 

- l’échec du Printemps des peuples et de la guerre de 1848-1849

- le rapprochement avec la France (à partir de l’entrevue de Plombières)

- La guerre inachevée de 1859 et ses conséquences territoriales

 

Partie 2. L’engagement militaire de la France et ses conséquences

 

- Le rattachement de Nice et de la Savoie : un plébiscite en faveur de la France

- Une unité qui profite à la France et à Napoléon III.

 

Conclusion : Proclamation du royaume d’Italie en 1861 et une unité qui s’achève sans la France en 1870

 

Etape 7. Je rédige sur la copie

 

Introduction avec présentation du document et rappel du sujet

Le document qui est nous est proposé est une proclamation faite par le roi de Piémont-Sardaigne, Victor Emmanuel II, le 1er avril 1860. S’adressant officiellement aux Savoyards et aux Niçois il les invite à voter leur « réunion » à la France. Cette proclamation est à replacer dans le contexte de la formation de l’unité italienne. En effet, en 1860, l’Italie n’existe pas et est divisée en une multitude d’Etats. Pour autant, le Piémont-Sardaigne est déterminé à réaliser l’unité en cherchant le soutien de la France. On peut donc se demander quel rôle a joué la France dans la formation de l’unité italienne.

Partie 1.

Les précédentes tentatives d’unification n’ont jamais abouti. Les insurrections populaires de 1848 ont été sévèrement réprimées quant à la guerre menée par Charles-Albert, roi de Piémont-Sardaigne en 1848-1849 contre l’Autriche pour récupérer la Lombardie et la Vénétie est un échec. C’est pourquoi son fils, Victor Emmanuel II, qui lui succède adopte une nouvelle stratégie en cherchant le soutien de puissants alliés comme la France. Ainsi, Il évoque à plusieurs reprises son « illustre allié l’Empereur Napoléon ».  Ce rapprochement débute par une rencontre secrète en 1858 à Plombières entre Cavour, premier ministre piémontais et l’empereur Napoléon III. Il se concrétise par la signature de traités comme le rappelle Victor Emmanuel II ligne 2 (« traité conclu le 24 mars 1860 ») et ligne 9 (« des liens que les traités ont formés entre les deux pays »). Ils prévoient, en échange d’un soutien militaire de la France contre l’Autriche, le rattachement de la Savoie et de Nice à la France.  Cette guerre et ses conséquences territoriales sont évoquées ligne 6 (« changements territoriaux, amenés par la guerre en Italie ») ; elle se déroule d’avril à juillet 1859 et les armées franco-piémontaises s’imposent à Magenta et Solferino. L’armistice est ensuite signé à Villafranca. C’est une victoire en demi-teinte puisque, le royaume n’obtient que la Lombardie, la Vénétie restant sous domination autrichienne.  Pour autant La coalition franco-piémontaise a permis au Piémont de lancer ce processus d’unification de l’Italie. Au cours de l’année 1860, les duchés de Parme, Modène et Toscane se soulèvent et réclament leur rattachement au Piémont.

Partie 2.

Victor Emmanuel II honore dans cette proclamation son engagement ; mais, comme Napoléon III, il ne souhaite pas présenter cette « union » comme une simple contrepartie diplomatique où les peuples n’auraient pas leur mot à dire (« ce grand changement dans le sort de ces provinces ne saurait vous être imposé. Il doit être le résultat de votre libre consentement »). Cela serait contraire à la politique menée par Victor Emmanuel II et le principe des nationalités défendues aussi par Napoléon III (« Telle est ma ferme volonté : telle est aussi l’intention de l’Empereur des Français »). C’est pourquoi un plébiscite est organisé (lignes 2 e 3 : « la réunion de la Savoie et de Nice à la France aura lieu avec l’adhésion des populations et sanction du Parlement »). Victor Emmanuel II développe ainsi un argumentaire pour convaincre les Savoyards et Niçois de voter pour l’union. Il met en avant l’argument géographique et économique en insistant sur l’interdépendance des économies locales avec la France (lignes 10 à 12).   Il insiste sur la proximité culturelle entre Niçois, Savoyards et Français (lignes 12 et 13). Ces arguments entendent prouver le respect du principe des nationalités. Ce processus d’unification profite à la France. Sile roi évoque les « sacrifices » de la France et ses pertes humaines « dans l’intérêt de l’indépendance » de l’Italie, on peut aussi être critique car cette guerre est une excellente affaire pour la France : Napoléon III agrandit le territoire national, renforce son autorité sur son peuple et accroit sa place en Europe, tout en mettant à mal l’Europe du Congrès de Vienne voulue par les vainqueurs de son oncle.

Conclusion

Ce document nous permet de comprendre le rôle central joué par la France dans la formation de l’Etat Italien. Son soutien militaire et diplomatique a permis la création d’une Italie unifiée sous l’égide du royaume de Piémont-Sardaigne. Sans ce soutien, il n’aurait pas pu se défaire de l’Autriche. Pour autant au moment où le document est réalisé, l’unification est loin d’être achevée.   Le royaume d’Italie est proclamé en 1861 et l’unification se poursuivra sans le soutien de la France ; elle s’achèvera en 1870 par la prise de Rome.

 

 

Proclamation de Victor-Emmanuel aux habitants de la Savoie et de Nice, 1er avril 1860

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