Galerie Tarantino

Paris



Cercle de Carlo MARATTA

( Camerano, 1625 - Rome, 1713 )

Portrait du Padre Andrea Pozzo


Plume et encre brune
270 x 186 mm



Bibliographie

:

Bibliographie : B. Dumas, Peindre à Rome, Tableaux et dessins des XVIIe et XVIIIe siècles, Paris 2011, pp. 96-97, n.24


Il est souvent hasardeux d'identifier le modèle d'un portrait sans le recours de preuves matérielles, telle une inscription, ou mieux encore, un document d'archive. Dans le cas présent, l'habit de religieux désigne clairement un membre de la Compagnie de Jésus, fondée par Ignace de Loyola, en 1540. 

Le peintre, à son chevalet, porte en effet la soutane des jésuites avec le col évasé et une calotte placée à l'arrière du crâne. Absorbé par son ouvrage, il tient un appuie-main, terminé d'un coussinet, dont se servent les peintres pour assurer la précision de leur geste.

L'ordre de saint Ignace, s'il fut le promoteur actif de tous les arts, ne compta que fort peu de peintre dans ses rangs. Deux firent, néanmoins, une brillante carrière à Rome, dans la seconde moitié du XVIIe siècle: Jacques Courtois, dit le Bourguignon (Saint-Hyppolite, 1621 – Rome, 1676), et surtout, Andrea Pozzo (Trente, 1642 – Vienne, 1709), dont L'autoportrait[1]du musée des Offices, à Florence, nous offre une représentation, certes de face, mais tout à fait compatible avec le portrait figurant sur notre dessin (fig.1).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Nicholas Turner, que nous tenons à remercier, partage également cette hypothèse d'une représentation du Padre Pozzo et rapproche notre feuille de certains portraits-charge de Carlo Maratta (Camerano, 1625 – Rome, 1713).

 

Apprenti chez un peintre milanais, Andrea Pozzo fut chassé de l'atelier pour avoir exprimé le souhait de visiter Rome et Venise. Déclaré peintre indépendant, sans doute trop tôt, il se découvrit piètre entrepreneur et rétif aux compromissions qui régissaient la profession. Ses premiers pas, difficiles, le déterminèrent à entrer en religion. Après avoir songé à devenir carme déchaussé, il se décida pour l'ordre des jésuites (en raison de sa constitution fragile) et entra à S. Fedele de Milan, en 1665, à l'âge de 23 ans. “Ayant voulu, parmi ses vœux, prononcés en 1675, renoncer à la peinture, l'ordre l'en empêcha et l'employa à peu près exclusivement à son art, lui faisant exécuter un nombre considérable d'œuvres de chevalet et de décors pour les festivités jésuites”[2].

 

Arrivé à Rome en 1681, invité par le père Oliva, général de l'ordre, Andrea Pozzo enchaîna les commandes et les succès. Ses plus grandes réussites, dans le domaine du décor monumental, sont la coupole feinte et la voûte illusionniste de la nef de S. Ignazio de Rome, sur le thème du Triomphe de saint Ignace et de la Compagnie de Jésus. Pozzo entreprit cette colossale entreprise -  la plus grande fresque d'un seul tenant (sans “quadratura”) de l'art occidental – de 1691 à 1694. Àcette date, le peintre milanais avait alors dépassé la cinquantaine. C'est à peu près l'âge de notre modèle caricaturé, précisément, car il est au sommet de sa carrière.

 

Carlo Maratta, ou un peintre de son cercle, le croque avec malice, en artiste chétif et vieillissant (il était de constitution fragile), mais toujours actif. Notre dessin se présente comme un témoin original de la dernière décennie romaine de Pozzo, celle comprise entre  l'achèvement des décors de S. Ignazio et son départ définitif pour Vienne, en 1704. Jean Habert rappelle opportunément que pendant cette période tardive “Le maître tridentin continua néanmoins à exécuter jusqu'à la fin de sa vie des peintures de chevalet et envoya notamment à Turin, entre 1694 et 1704, cinq toiles pour la chapelle de la Congrégation des banquiers et des marchands (Madonna Santissima della Fede), qui comptent parmi ses meilleures peintures à l'huile et montrent une méditation de l'art rigoureux de la Renaissance romaine à travers les recherches de Maratta (coloris précieux et ombres profondes), mêlées de souvenirs luministes de Tintoret du Bassan”[3].  

 

Bertrand Dumas

 

Nous remercions le Père Jésuite Heinrich Pfeiffer, Professeur à l’Université grégorienne de Rome, pour avoir confirmé l’identification du Padre Andrea Pozzo dans ce dessin, évoquant une possible attribution à Maratta, qui nourrissait une grande admiration pour l’artiste jésuite.



[1]    Andrea Pozzo, Autoportrait, huile sur toile, H. 160 ; L. 117 mm, musée des Offices, Florence, reproduit dans “Gli Uffizi, Catalogo Generale”, Firenze, 1979, p. 963, A 718.

 

[2]    Extrait de la notice biographique rédigée par Jean Habert, dans “Seicento, le siècle de Caravage dans les collections  françaises”, Paris, G.N.G.P., Milan, Palazzo Reale, 1988-1989, p. 308.

[3]    Op. cit. p.308.