Dom Juan ou le festin de pierre,mise en scène de Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra

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Dom Juan ou le festin de pierre, d’après le mythe de Don Juan et le Dom Juan de Molière, mise en scène de Jean Lambert-wild et Lorenzo Malaguerra

Ce spectacle a été créé avec succès l’an passé à Limoges (voir Le Théâtre du Blog) et arrive à Paris… Mettre en scène Dom Juan ou Richard III, c’est mettre en scène Dom Juan et moi, Richard et moi. Où est la vérité du personnage? On est bien obligé d’aller la chercher, à travers les mots de Molière ou de Shakespeare et toute la documentation qu’on voudra, toutes les informations et points de vue contradictoires, là où elle se cache dans son mystère, en soi-même. Pour finir, un metteur en scène sacrifie sans doute telle ou telle facette, accepte la frustration de ne pouvoir tout dire et réalise son Dom Juan, peut-être convaincu de mettre en scène le « vrai » Don Juan ou Dom Juan: Molière ou celui qui a transcrit la pièce, aurait confondu le titre des nobles seigneurs, avec celui des religieux, erreur riche de sens quand on entend le dernier acte !

Jean Lambert-wild travaille depuis des années, son clown Gramblanc : visage enfariné, courte perruque rouge et pyjama rayé, ou peut-être, est-il travaillé par lui ? Il a habité le Lucky d’En attendant Godot, et Richard III… Et aujourd’hui ce Dom Juan, fort, faible, danseur, acrobate tourmenté et intrépide. C’est quoi, cette face blanche? Une manière non de s’effacer (jouons sur les mots) mais de se mettre à part. Richard et Dom Juan ne sont pas de ce monde, déjà aspirés par la mort, donc avides de vivre.

On ne lui en voudra donc pas trop d’avoir bousculé, saucissonné et déconstruit la pièce, elle-même bâtie de brics et de brocs dont Molière avait besoin à un moment difficile pour lui: la querelle du Tartuffe. Peut-être les sévices infligés à la pièce étaient-ils nécessaires. Désacraliser le texte pour trouver un autre mystère, plus sombre. Et tourner bride aussitôt vers un divertissement. La musique de Jean-Luc Therminarias, fidèle complice de Jean Lambert-wild, y est pour beaucoup et va cueillir les spectateurs, les plus jeunes en particulier, et les entraîne. Enfin, face au spectacle dit «vivant», des spectateurs vivants !

Et Dom Juan, là-dedans ? Avec sa Sganarelle, une bonne vivante déguisée en squelette, on le voit à l’œuvre, dandy sans illusions qui séduit presque, sans le faire exprès. Quoiqu’il prétende, les femmes ne sont pas son affaire, agaçantes, trop vite tombées pour que ça vaille l’effort de les ramasser. Non, le clown blanc joue ici le «grand seigneur méchant homme», toujours insatisfait, agité et inquiet. Pour les comédiennes qui jouent en alternance le rôle d’Elvire, la partie n’est pas facile et la marge de manœuvre, étroite. Et la seconde fois où Elvire entre, la scène est d’une incroyable cruauté: ostensiblement, Dom Juan n’écoute pas un mot et nie sa présence.

Voilà, dans son gigantesque décor de B.D, jungle organique faite de tapisserie d’Aubusson et d’éléments de porcelaine, Jean Lambert-wild, qui dirige le Centre Dramatique National de Limoges, entend célébrer concrètement son territoire.  Ce Dom Juan irrespectueux peut agacer, irriter. Il est surtout passionnant, touchant, fort des envols et des chutes  de son héros, de son humour, y compris potache, qui peut aller jusqu’à évoquer Orange mécanique. Ce Dom Juan désarticulé en dit sans doute plus qu’une sage mise en scène…

Christine Friedel

Théâtre de la Cité Internationale, 21 A boulevard Jourdan, Paris (XIV ème), jusqu’au 15 février. T. : 01 43 13 50 50.

Les 5 et 6 mai, Comédie de Caen-Théâtre d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados).

 

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