• La colonne Trajane

     

     

    I. L'histoire du monument

    1) Une œuvre de propagande

    Propagande : action exercée sur l'opinion publique pour l'influencer, voire l'endoctriner.

    La colonne Trajane est érigée en 113 après J.C. afin de commémorer les campagnes de l'empereur romain Trajan (règne de 98 à 117) en Dacie, une première fois de 101 à 102 après J.C., puis de 105 à 106 après J.C. Pendant ces deux périodes, eurent lieu la première, puis la seconde guerre dacique, débouchant sur l'annexion du royaume dace et la création de la Dacie romaine.

     

     

    La colonne mesure une trentaine de mètres de hauteur, pèse 1036 tonnes et a un diamètre de 3,70 mètres. Elle est entourée d'une frise sculptée qui s'enroule autour d'elle, s'élevant en spirales d'en moyenne un mètre, et retraçant dans l’ordre chronologique les campagnes de Trajan contre les Daces. Sur le monument, qui se lit de bas en haut, figurent près de 184 scènes et 2570 figures.

    Trajan lui-même y figure cinquante-huit fois, dans une multitude de rôles. Les principales représentations le montrent glorieux, volontaire et courageux. Le soubassement de près de 10m de haut contenait le tombeau de l’empereur.

     

    La colonne n'est évidemment pas facile à décrypter, demandant au spectateur d'en faire le tour pour suivre les conquêtes de Trajan. Alors, si elle est illisible, quelle est sa véritable fonction ?

    Sa fonction principale est de proclamer la conquête et la romanisation de la Dacie et d'attirer l'attention des générations futures sur la gloire de Trajan. L'empereur commanda cette œuvre à sa gloire personnelle. Ce monument vante les conquêtes et la force de Trajan, il constitue en quelque sorte une arme de propagande, se transformant en page d'histoire adressée aux Romains, mais aussi à tous les habitants de l'Empire de passage. On note l'absence de représentations écrites, remplacées par des représentations illustrées, afin de rendre la colonne universelle : ainsi la barrière de la langue ne constituera pas un frein à la gloire de Trajan.



    2) La propagande impériale

    On compte dans l'empire romain de nombreux monuments commandités par des empereurs romains pour célébrer leur gloire, comme la colonne de Marc-Aurèle (empereur que l'on retrouve dans le film Gladiator) souvent comparée à celle de Trajan, ainsi qu'un nombre important d'arcs de triomphe.

     

       

     

    Ci-dessus : la colonne de Marc Aurèle érigée entre 176 et 192, l'arc de Trajan à Timgad (Algérie) et celui de Trajan à Bénévent (Italie).

     

     

    II. La colonne (113 apr.JC) et le film Gladiator (2000)

    Nous allons à présent effectuer une comparaison entre les représentations des Germains et des Romains sur la colonne Trajane et dans la bataille initiale du film Gladiator de Ridley Scott.


    1) Les Romains



    Sur la colonne comme dans le film, les Romains sont représentés de manière méliorative. Les légionnaires sont ordonnés, forts et unis, aux ordres du grand Trajan et de Maximus dans le film. Dans Gladiator comme dans les batailles en Dacie, les légionnaires se trouvent en supériorité numérique face aux Daces, ce qui leur permet d'avoir plus facilement le dessus et d'être les héros.

     

     

    Ici, Trajan est représenté entouré de deux de ses lieutenants sur une tribune. A droite de cette représentation, on voit quatre parlementaires appelés devant le conseil de guerre chargés de traiter avec le roi dace, Décébale, des conditions de paix, démarche qui se soldera par un échec. Cette scène peut rappeler le moment où un négociateur romain demande la paix dans le film Gladiator, et se fait sauvagement couper la tête.

     

     

     

    En avant des remparts, les soldats avancent lentement dans les bois, guettant l'ennemi, tout comme au début de la bataille du film, où les Romains attendent le coup d'envoi.

     

     

     

     

    Les tactiques de guerre sont les mêmes sur la colonne et dans le film, en particulier en ce qui concerne la formation des légionnaires en tortue.

     

     

    2) Les Germains

     

     

    On peut effectuer une comparaison entre le film et la colonne ici également. Mais à gauche, des soldats romains ramènent des têtes de Barbares à Trajan, alors que dans le film, ce sont les Germains qui sont présentés comme des bêtes sauvages, hurlantes et chevelues, ce qui est une vision très réductrice et caricaturale.

     

     

    Sur la colonne, les Germains sont assez diversifiés, avec des femmes, des enfants, des maisons, des scènes différentes de bataille, de soumission… Malheureusement ils n'apparaissent comme des barbares que dans le film. On peut le prouver grâce au fait que les représentations des Daces sont nombreuses sur la colonne, alors qu'elles ne sont réduites qu'à quelques photogrammes dans le film.

     

       

     

    Sur l'image de gauche, on voit des femmes germaines voilées. A droite, les Daces demandent la paix. Cela rappelle que dans la bataille du film, ce sont les troupes de Maximus qui demandent aux Germains de se rendre.

     

     

     

     

    Décébale, le chef dace, met le feu à un village sur la colonne, tout comme les Romains font sortir l'ennemi des forêts dans Gladiator.

     

    3) Le chef

    a) Marc-Aurèle et Trajan

     

     

    Sur la colonne, Trajan n'est pas du tout représenté comme Marc-Aurèle : il est représenté comme un vrai meneur, proche de ses troupes, comme un guerrier haranguant ses troupes avant les batailles. Marc-Aurèle, quant à lui, n'est que spectateur de la bataille dans le film, il surveille l’avancement de ses conquêtes de loin, tout en étant très présent à la fois. Le héros sur la colonne est l'empereur Trajan, mais pas l'empereur Marc-Aurèle dans le film.

     

    b) Maximus et Trajan

     

     

    Ici, Trajan harangue ses troupes. On peut effectuer le rapprochement avec l'arrivée de Maximus sur le lieu de la bataille, salué par ses soldats.  Dans la séquence du film étudiée ici, le vrai héros est en effet Maximus. On peut le comparer à Trajan grâce à son pouvoir militaire et à sa force pour rassembler ses troupes. Malgré leur différence de grade, Maximus et Trajan sont les deux personnages équivalents dans ce cas. On peut le comprendre car Maximus est le personnage principal du film de Ridley Scott, et Trajan est le « personnage principal » sur la colonne éponyme.



    Conclusion

    La colonne de Trajan est donc un monument de propagande. Trajan est considéré comme le « prince des princes » durant son règne et même postérieurement. Sur cette colonne, les Romains sont représentés comme des légions fortes, civilisatrices, victorieuses. Les Daces, eux, sont représentés de nombreuses fois, femmes, enfants, vieillards, guerriers, de manière civilisée, avec des villes, des villages, des structures sociales et politiques…

    Les Romains sont représentés de nombreuses fois également dans le film Gladiator, leur représentation étant influencée par celles de la colonne. On comprend qu'ils sont les héros, ne serait-ce que par leur nombre d'apparitions par rapport à leurs adversaires dans la scène de la bataille de Germanie. Les Daces sont représentés comme d'infâmes bêtes poilues et sauvages, qui décapitent et ont soif de sang. Ils sont clairement caractérisés de manière péjorative, ce qui accentue la dimension civilisatrice des Romains.

    Cette manière manichéenne de caractériser les adversaires peut être expliquée par l'intention de Ridley Scott de faire réfléchir le spectateur, par le biais de la reconstitution d'une bataille imposant la pax romana, à un enjeu beaucoup plus contemporain, celui de la pax americana.

     


    Fanny B. et Rosalie C., 202