Souvenirs et impressions littéraires

On sait ce qu´est le flux de conscience. En voici un magnifique. Il est extrait du chapitre La fenêtre de La Promenade au phare de Virginia Woolf que je relis en ce moment avec délices. 

Lily Briscoe est peintre. Elle cherche à fixer sur sa toile un tableau de famille : le bonheur fait de petits riens qui entourent les Ramsay, et plus concrètement, Mrs. Ramsay, lisant pour son petit garçon James un conte de Grimm près de la fenêtre du salon, et  espérant que le temps du lendemain permettra d´aller jusqu´au phare :

Dès qu´elle levait les yeux et les apercevait elle était envahie par ce qu´elle appelait "l´état d´amour". Ils appartenaient aussitôt à cet univers irréel qui vous pénètre et vous transporte et qui est le monde vu à travers les yeux de l´amour. Le ciel s´attachait à eux ; les oiseaux chantaient à travers eux. Et, chose plus passionnante encore, elle sentait en outre, en voyant Mr. Ramsay s´avancer puis battre en retraite, et Mrs. Ramsay s´asseoir à la fenêtre, et le nuage se mouvoir et l´arbre s´incliner, que la vie, à force d´être faite de ces petits incidents distincts que l´on vit un à un, finit par faire un tout qui s´incurve comme une vague, vous emporte et, retombant, vous jette violememt sur la grève."

Lien :

 - Ce peu de bruits de Philippe Jaccottet

[Illustration 1 : Vanessa Bell Nature morte à la fenêtre, 1935]