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Oriane de Guermantes / Greffulhe - Proust -

Publié le par Perceval

C'est l’histoire – racontée par Marcel Proust - d’un enfant amoureux de l’image qu’il se fait d’une duchesse. Jacques Emile Blanche (Français, 1861-1942) - Portrait deElle a des ancêtres hors du commun, son nom évoque l'histoire de France, jusqu'aux mérovingiens … Oriane de Guermantes entoure les lieux qu'elle fréquente d'un mystère féerique. Elle est une femme-fée.

Enfant, il a l’occasion de l’apercevoir dans l’église de Combray lors d'un mariage.

«  Et mes regards s’arrêtant à ses cheveux blonds, à ses yeux bleus, à l’attache de son cou et omettant les traits qui eussent pu me rappeler d’autres visages, je m’écriais devant ce croquis volontairement incomplet : « Qu’elle est belle ! Quelle noblesse ! Comme c’est bien une fière Guermantes, la descendante de Geneviève de Brabant, que j’ai devant moi ! » Et l’attention avec laquelle j’éclairais son visage l’isolait tellement, qu’aujourd’hui si je repense à cette cérémonie, il m’est impossible de revoir une seule des personnes qui y assistaient sauf elle et le suisse qui répondit affirmativement quand je lui demandai si cette dame était bien Mme de Guermantes. » (Swann ).

Comtesse-de-Greffulhe-by-Felix-Nadar--1886.jpg Marie Joséphine Anatole Louise Élisabeth de Riquet de Caraman-Chimay, comtesse Henry Greffulhe, immortalisée sous le nom de comtesse Greffulhe, est née le 11 juillet 1860 à Paris 7e et morte le 21 août 1952 à Lausanne.
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Portrait peint en 1905 par Philip Alexius de Laszlo.

 

La comtesse Greffulhe est un des modèles de la duchesse de Guermantes dans A la Recherche du temps perdu de Marcel Proust. Elle est la cousine de Robert de Montesquiou.

 

Déterminé à la connaître, le narrateur de La Recherche, devient un mondain et espère être présenté à Oriane qui exerce son attrait sur le faubourg Saint-Germain.

La duchesse de Guermantes mène une vie mondaine brillante qui impressionne le narrateur de  plus en plus amoureux d’elle. Il va jusqu’à surveiller ses moindres déplacements, relever les heures de ses promenades quotidiennes afin de se retrouver sur son chemin et espérer un regard d’elle.

« Cette villa, cette baignoire, où Mme de Guermantes transvasait sa vie, ne me semblaient pas des lieux moins féeriques que ses appartements. Les noms de Guise, de Parme, de Guermantes–Bavière, différenciaient de toutes les autres les villégiatures où se rendait la duchesse, les fêtes quotidiennes que le sillage de sa voiture reliaient à son hôtel. S’ils me disaient qu’en ces villégiatures, en ces fêtes consistait successivement la vie de Mme de Guermantes, ils ne m’apportaient sur elle aucun éclaircissement. » (Guer)

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Comtesse Greffulhe Comtesse Greffulhe

Le narrateur devenu l’ami de Robert de Saint-Loup qui est le neveu de la duchesse, lui demande de parler de lui à sa tante.

« Vous êtes trop gentil. Mais justement, voilà : Mme de Guermantes ne se doute pas que je vous connais, n’est-ce pas ?

Je n’en sais rien ; je ne l’ai pas vue depuis l’été dernier puisque je ne suis pas venu en permission depuis qu’elle est rentrée.

C’est que je vais vous dire, on m’a assuré qu’elle me croit tout à fait idiot.

Cela, je ne le crois pas : Oriane n’est pas un aigle, mais elle n’est tout de même pas stupide.

Vous savez que je ne tiens pas du tout en général à ce que vous publiez les bons sentiments que vous avez pour moi, car je n’ai pas d’amour-propre. Aussi je regrette que vous ayez dit des choses aimables sur mon compte à vos amis (que nous allons rejoindre dans deux secondes). Mais pour Mme de Guermantes, si vous pouviez lui faire savoir, même avec un peu d’exagération, ce que vous pensez de moi, vous me feriez un grand plaisir. » (Guer)

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Comtesse Greffhule . Photo de Nadar (Rmn)

 

Un jour, enfin, lors d’une réception chez la Princesse de Villeparisis, Saint-Loup  présente le narrateur à la duchesse avec laquelle il peut enfin échanger quelques mots...

« Vous ne voulez pas que je vous donne une tasse de thé ou un peu de tarte, elle est très bonne, me dit Mme de Guermantes, désireuse d’avoir été aussi aimable que possible. Je fais les honneurs de cette maison comme si c’était la mienne, ajouta-t-elle sur un ton ironique qui donnait quelque chose d’un peu guttural à sa voix, comme si elle avait étouffé un rire rauque. » (Guer)

Paradoxalement, c’est à partir de ce moment que son attirance pour elle disparaît, à la grande satisfaction de sa mère qui jugeait son attitude ridicule.

« Sa  [duchesse de Guermantes] vue ne me causait plus aucun trouble. Un certain jour, m’imposant les mains sur le front (comme c’était son habitude quand elle avait peur de me faire de la peine), en me disant : « Ne continue pas tes sorties pour rencontrer Mme de Guermantes, tu es la fable de la maison. D’ailleurs, vois comme ta grand’mère est souffrante, tu as vraiment des choses plus sérieuses à faire que de te poster sur le chemin d’une femme qui se moque de toi », d’un seul coup, comme un hypnotiseur qui vous fait revenir du lointain pays où vous vous imaginiez être, et vous rouvre les yeux, ou comme le médecin qui, vous rappelant au sentiment du devoir et de la réalité, vous guérit d’un mal imaginaire dans lequel vous vous complaisiez, ma mère m’avait réveillé d’un trop long songe. » (Guer)

A l’inverse et curieusement, c’est à partir de ce moment-là également que la duchesse prête attention au narrateur.

« Pourquoi ne venez-vous jamais me voir ? me dit Mme de Guermantes quand Mme de Villeparisis se fut éloignée pour féliciter les artistes et remettre à la diva un bouquet de roses dont la main qui l’offrait faisait seule tout le prix, car il n’avait coûté que vingt francs. (C’était du reste son prix maximum quand on n’avait chanté qu’une fois. Celles qui prêtaient leur concours à toutes les matinées et soirées recevaient des roses peintes par la marquise.)C’est ennuyeux de ne jamais se voir que chez les autres. Puisque vous ne voulez pas dîner avec moi chez ma tante, pourquoi ne viendriez-vous pas dîner chez moi ? » (Guer)

 

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Comtesse Greffulhe, 1883

Madame de Guermantes est une belle femme, grande, blonde aux yeux bleus. Spontanée et naturelle elle a un esprit brillant et impressionne son entourage par sa personnalité affirmée. Trompée depuis le premier jour par son mari qui collectionne les conquêtes, elle fait bonne figure auprès de son entourage qui ne réalise peut-être pas les avanies qu’elle doit subir.

Le Duc de Guermantes se montre dur envers sa femme et la trompe sans vergogne. Celle-ci accepte cette situation et parfois même demande à ce que sa concurrente lui soit présentée. Il lui arrive même de s’en faire une alliée.

« Mais ce cas était le plus rare; d’ailleurs, quand le jour de la présentation arrivait enfin (à un moment où elle était d’ordinaire déjà assez indifférente au duc, dont les actions, comme celles de tout le monde, étaient plus souvent commandées par les actions antérieures, dont le mobile premier n’existait plus) il se trouvait souvent que ç‘avait été Mme de Guermantes qui avait cherché à recevoir la maîtresse en qui elle espérait et avait si grand besoin de rencontrer, contre son terrible époux, une précieuse alliée. » (Guer)

 

Swann lui aussi est impressionné par la duchesse et rêve de pouvoir un jour lui présenter sa femme Odette et sa fille Gilberte.

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Comtesse Greffulhe (Félix Nadar), 1896

« Mais quand Swann dans ses heures de rêverie voyait Odette devenue sa femme, il se représentait invariablement le moment où il l’amènerait, elle et surtout sa fille, chez la princesse des Laumes, devenue bientôt la duchesse de Guermantes par la mort de son beau-père. Il ne désirait pas les présenter ailleurs, mais il s’attendrissait quand il inventait, en énonçant les mots eux-mêmes, tout ce que la duchesse dirait de lui àOdette, et Odette à Madame de Guermantes, la tendresse que celle-ci témoignerait àGilberte, la gâtant, le rendant fier de sa fille. » (JF)

Très intime avec Swann, elle lui fait cependant deux reproches majeurs, celui d’être dreyfusard et celui d’avoir épousé Odette et peut-être aussi celui d’être juif. Swann gravement malade et qui sait qu’il va mourir lui demande d’accepter qu’il lui présente sa femme et sa fille mais elle lui refuse ce dernier plaisir et explique au narrateur ses raisons.

« Mon Dieu, ça me fait une peine infinie qu’il soit malade, mais d’abord j’espère que ce n’est pas aussi grave que ça. Et puis enfin ce n’est tout de même pas une raison, parce que ce serait vraiment trop facile. Un écrivain sans talent n’aurait qu’à dire : « Votez pour moi à l’Académie parce que ma femme va mourir et que je veux lui donner cette dernière joie. » Il n’y aurait plus de salons si on était obligé de faire la connaissance de tous les mourants. Mon cocher pourrait me faire valoir : « Ma fille est très mal, faites-moi recevoir chez la princesse de Parme. » J’adore Charles, et cela me ferait beaucoup de chagrin de lui refuser, aussi est-ce pour cela que j’aime mieux éviter qu’il me le demande. » (SG)

 

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