Húng Rannou

rannou

Húng Rannou : Sans titre, 1986
Pigments à l’huile sur papier marouflé sur toile ;180 x 150 cm
Collection Frac Bretagne

 

Húng Rannou

 

 

   La peinture récente de Hung Rannou - dont Un Etat... - frappe par la densité des signes auxquels l’artiste a recours. La surface se compose de plusieurs épaisseurs de feuilles de papier translucide, colorées en jaune et maroufflées sur la toile. Sur chacune de ces feuilles est tracée au graphite une multitude de petits dessins - portraits d’artistes, reproduction d’oeuvres, sigles politiques, termes symboliques mathématiques ou publicitaires. Les recouvrements successifs constituent un palimpseste touffu. En effet, l’oeil se trouve confronté à une écriture saturée d’une profusion de signes hétéroclites. De petite taille dans un grand format, ils nécessitent de se rapprocher pour les discerner ; dans ce brouhaha apparent, ils demeurent pourtant muets et nous renvoient à la seule présence de l’oeuvre.

    En cela, cet ensemble de peintures réalisé à partir de 1993 constituerait le négatif des recherches précédentes. Les signes sont ici aussi nombreux qu’ils étaient rares, les couleurs aussi ténues qu’elles pouvaient être denses. Seule perdure la confrontation de l’artiste avec la surface. Depuis le début des années quatre-vingts, en effet, Hung Rannou mène un lent travail d’exploration de cette surface et à partir de 1985, il puise, dans les différentes techniques qu’il adopte, le moyen de le faire.

   Le collage y joue un rôle prépondérant. Le papier et le carton sont d’abord le support de la peinture, avant que l’artiste ne les marouffle sur une toile et que celle-ci ne soit peinte à son tour. Dans cette construction s’insère la réalisation des couleurs elles-mêmes à partir des pigments mais aussi du collage de papiers diaphanes qui modifie la densité de la matière. Aux petits formats ont succédé de grandes toiles dominées par le bleu -tel Sans titre - où les images sont rares et récurrentes : silhouette d’un buste, serrure, maison, feuille, vase, chapeau. Ces formes frappent par leur simplicité mais aussi par leur capacité de résistance. Si elles sont identifiables, elles ne consistent pas en indices, éclaireurs d’autres univers. Aucun monde imaginaire ou symbolique n’est convoqué. Aucun de ces signes en effet ne se livre. Ils ne signifient rien d’autre que leur refus de signifier. Il s’agit pour Hung Ranou de trouver le possible de la peinture dans le fragile équilibre des éléments qu’il a choisi pour l’élaborer.

 

C.L.