Gallimard a récemment publié un livre de Françoise Giroud (dont je proposerai une recension dans quelques jours) paru en 1952 : Françoise Giroud vous présente le Tout-Paris. Parmi les personnages consacrés auxquels la future directrice de L’Express se … consacre, on trouve André Roussin.
« Je vous parle d’un temps » … Vous connaissez la rengaine. Quand j’étais jeune ado, Roussin avait une cinquantaine d’années. Il était alors un des monuments du théâtre de Boulevard. Quasi intouchable. Sa réputation était parfaitement méritée : c’était un homme de très grand talent, incarnant parfaitement le changement dans la continuité. J’eus le grand bonheur d’assister à une représentation de Bobosse (avec François Périer et Maurice Biraud), une pièce douce-amère, pour finir assez innovante, et qui fut jouée 1 500 fois.
Bien sûr, Roussin finit Académicien français. Son prestige, son autorité étaient tels qu’il put aborder des sujets très dérangeants pour l’époque, en particulier pour les spectateurs du théâtre de boulevard : dans Les Œufs de l’autruche, un commerçant conformiste (joué par Pierre Fresnay) finissait par accepter l’homosexualité de son fils (forcément styliste dans la mode). En 1951, Lorsque l’enfant paraît (avec André Luguet et Gaby Morlay) traitait courageusement du thème de l’avortement.
Je ne suis nullement un spécialiste de l’œuvre d’André Roussin (y en a-t-il, d’ailleurs ?), mais je me dis que s’il avait suivi la règle édictée par Jean-Paul Sartre selon laquelle un vrai écrivain doit écrire contre lui-même, il nous aurait offert une tout autre œuvre, et d’un tout autre acabit.
Françoise Giroud nous dit dans son livre que Roussin écrivait parfois « des vers cruels », pour son fils, mais que personne ne les connaissait. Elle cite ce court poème :
— Pour qu’ils soient à l’abri du vent
— Du très grand vent de ce pays
— On fait jouer les enfants en colonie
— Au pied de la Falaise
— Et là on les sait à l’abri
— De temps en temps
— Le vent
— Détache une pierre du rocher
— Qui en tombant
— Écrase de temps en temps
— Quelques enfants
— Mais les survivants
— Ne s’enrhument pas. Leurs parents
— Sont contents
— Ils savent les enfants
— À l’abri du vent.
Extraordinaire, non ?