Marivaux : Les Fausses Confidences 1737 la comédie bourgeoise

Publié le par Maltern



 

(de gauche à droite : Monsieur Rémy, Araminte, Dorante, Madame Argante, Le Comte,  Marton

Acte III, Sc. 8

 

Madame Argante. - C'est-à-dire que le personnage sait peindre...

gravure en taille douce, de Félix Massard, 1817 


Les Fausses Confidences, sont crées en 1737 au Théâtre-Italien. C'est la dernière des « grandes » pièces et un aboutissement de son évolution : elle est emblématique de la comédie en prose ayant une dimension de « réalisme bourgeois ». Très souvent montée au 20ème s. Elle n'a n'a pas eu un grand succès à sa création.

La « fable » en quelques mots

Nous sommes chez Mme Argante à Paris et Dorante un beau jeune homme pauvre et cultivé dont la famille est ruinée, se présente chez Araminte, - fille de Mme Argante, pour pour occuper les fonctions d'intendant. Il est épris de cette jeune veuve d'un riche financier. Il a pour complice dans la maison Dubois, son ancien domestique qui est au service d'Araminte. Il a un rival : c'est le comte Dorimont qui veut épouser Araminte pour lui éviter un procès couteux et il veut lui présenter un autre intendant.

Dubois se lancer dans un stratagème : il feint de trahir son ancien maître, mais révèle à Araminte son amour romanesque. Séduite par la beauté physique de Dorante, Araminte engage Dorante bien qu'elle connaisse sa passion. Bien entendu il y a des obstacle : Mme Argante, le comte Dormont et Marton la suivante d' Araminte... elle-même amoureuse de Dorante et donc rivale de sa maîtresse !

Dubois réussit à lever les obstacles en les utilisant dans son plan. Au fil des péripéties Araminte passe du désir inavoué à l'amour, elle déclare publiquement ses sentiments ce qui la contraindrait à renvoyer Dorante à qui elle déclare son amour. Dorante avoue alors le stratagème Dubois est son allié et lui n'est guidé que par l'amour : « Dans tout ce qui s'est passé chez vous, il n'y a rien de vrai que ma passion, qui est infinie, et que le portrait que j'ai fait ; tous les incidents qui sont arrivés partent de l'industrie d'un domestique, qui savait mon amour, qui m'en plaint, qui, par le charme de l'espérance du plaisir de vous voir, m'a, pour ainsi dire, forcé de consentir à son stratagème : il voulait me faire valoir auprès de vous. » Araminte, pardonne tout et annonce son mariage au comte et à Mme Argante.

Les enjeux : amour, argent et ascenseur social...

Les personnages représentent avec nuance les niveaux de l'échelle sociale, de Mme Argante au sommet à

Arlequin à la base qui ne maîtrise ni la langue ni les codes de ses maîtres. Dubois, est le valet génial qui aime paternellement son ancien maître, Marton, comme Dorante vient d'une famille ruinée de petits robins. M. Rémy, oncle de Dorante, et homme de loi d'Araminte, parle d'égal à égal à Mme Argante que l'argeant à rendue arrogante et espère pour sa fille qui  représente « cinquante mille livres de rente ».une alliance d'intérêt. Comme veuve elle peut faire tous les choix pour sa fortune qui comme celle du Comte Dormont. En plus le Comte est proche du Roi et de la cour, il peut devenir ministre... Dans la dynamique d'ascension sociale mariage et argent sont liés.

L'amour entre une dame et son intendant, est scandaleux aux yeux du 18ème s. Dorante se présente comme supérieur à sa condition pour se rapprocher : il fait croire qu'il sacrifie à sa passion un autre projet de mariage qui lui rapporterait gros... Il prend la posture de l'amour chevaleresque , du chevalier servant prêt à se sacrifier pour sa dame. C'est ainsi qu'Araminte accepte de la hisser à sa condition d'autant plus que le comte a « négocié » son mariage.

Dubois et Dorante créent donnent une dimension romanesque (voire « romantique » avant la lettre) à l'amour du jeune intendant. S'agit-il de cynisme et de calcul ? Les choses restent en suspens... Marivaux donne l'image optimiste d'une société ou l'argent a créé de nouvelles hiérarchies sociales, mais où l'ambition et l'énergie des individus peuvent triompher. C'est sans doute une des raisons du succès posthume de la pièce : la question est bien moderne.


Une dramaturgie de la « scène de régie » et « scène d'action »  

 Dans sa construction la pièce donne aux comédiens à jouer à deux niveaux :

- face au spectateur Dubois et Dorante préparent et commentent en direct les manœuvres. C'est ce qui s'appelle des « scènes de régie » (on y règle les plans)

- les scènes d'action et de séduction d'Araminte où l'on réalise les plans : les « fausses confidences » de Dubois dirigent les sentiments d' Araminte.

Jeu subtil : la vraie confidence (le théâtre du 17ème regorge de confidents ...) supposent le secret et la loyauté du confident. Or Dubois fabrique ses révélations ; faux confident mais vrai stratège, donc fausses confidences. Dubois et Dorante sont complices pour fabriquer ce roman d'amour dont Araminte est l'héroïne.

Les péripéties naissent donc d'actions indirectes (comme au billard on assure le coup « par la bande ») et Araminte se laisse peu à peu enfermer dans le dilemme : renvoyer Dorante à contrecœur ou suivre son cœur et briser les convenances.  S'agit-il d'un triomphe de l'amour sur les conventions, d'une ruse pour faire servir l'amour à ses ambitions, des deux à la fois dans une complexité et une obscurité des comportements humains ?   Ces choix sont à faire par le traitement dans le jeu et la mise en scène. Selon Pierre Franz « L'absolution finale donnée par Araminte à l'homme qu'elle aime n'y change rien. Sincère ou non, l'amour doit user de manigances libertines pour triompher. De là l'impression d'ambiguïté qui se dégage finalement et qui ouvre la porte à des interprétations variées qui font la richesse de cette pièce et assurent son avenir sur nos scènes de théâtre.[i] »




[i] Article de l' E.-U.

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